Le grand patron de Thérapeutique Knight, Jonathan Goodman, est engagé dans une course contre Meir Jakobsohn, un de ses collègues au conseil d'administration de la pharmaceutique montréalaise. D'ici la fin du mois, les deux hommes tenteront de joindre le plus grand nombre possible d'actionnaires afin de s'assurer leur appui lors de l'assemblée annuelle de l'entreprise le 7 mai.

Deux choix s'offrent aux actionnaires : voter pour les administrateurs suggérés par Knight hier, ou voter pour ceux proposés en début de semaine par l'administrateur et actionnaire dissident Meir Jakobsohn, qui reproche notamment à l'entreprise de rester assise sur ses liquidités. Si ce dernier parvient à ses fins, il prendra le contrôle de Knight et pourra imposer ses idées.

« J'ai bon espoir d'obtenir les appuis nécessaires », dit Jonathan Goodman en entrevue à La Presse. « Mais Hillary Clinton aussi pensait avoir les appuis nécessaires pour être élue », ajoute-t-il du même souffle.

Advenant la défaite, Jonathan Goodman affirme qu'il démissionnera sur-le-champ. « Et je vendrai mes actions de Knight le plus rapidement possible. »

150 millions

Valeur de la participation de 15 % de Jonathan Goodman dans Knight, au cours actuel

« L'avenir de l'entreprise est en péril », est-il indiqué dans la circulaire de direction de Knight publiée hier.

Selon la société, Meir Jakobsohn souhaite expulser Jonathan Goodman pour transformer Knight en fonds de capital de risque. Déçu par le rendement boursier, l'actionnaire militant détenant 7 % des actions de Knight critique Jonathan Goodman publiquement depuis deux mois.

Modèle d'affaires

Avant de fonder Knight il y a cinq ans, Jonathan Goodman avait cofondé et dirigé Laboratoires Paladin, société rachetée par Endo Health Solutions en 2013 pour 3,2 milliards de dollars. Le modèle d'affaires de Knight s'articule notamment autour de l'acquisition de licences pour des produits pharmaceutiques destinés au marché canadien et à des marchés internationaux choisis. En outre, Jonathan Goodman examine la possibilité d'acheter des entreprises, mais uniquement à des prix « équitables ».

« Je pourrais dépenser l'encaisse demain matin si je le souhaitais. Mais je ne veux pas payer trop cher. Les évaluations sont trop élevées présentement. »

Knight soutient que l'entreprise est sur la bonne voie et agit au mieux en exécutant « patiemment » une stratégie dont l'efficacité a été démontrée par Jonathan Goodman chez Paladin. « Il est possible de bâtir graduellement une société prospère sans avoir à prendre d'importants risques binaires inutiles. »

Pour la direction, il ne fait aucun doute que l'objectif de Meir Jakobsohn est d'avoir accès aux liquidités de Knight (750 millions) en vue de miser sur des produits pharmaceutiques qui sont à un stade de développement précoce. Cette stratégie est qualifiée de risquée par Jonathan Goodman dans la circulaire de direction. Il affirme que Meir Jakobsohn veut « jouer » avec l'argent des actionnaires et que ce plan lui profiterait de manière disproportionnée en raison de sa participation de 72 % dans Medison Pharma (sa société privée en Israël). Medison est une société partenaire de Knight qui détient d'ailleurs la participation restante de 28 % dans l'entreprise.

Critiques

« C'est très hypocrite de la part de Jonathan Goodman d'affirmer que je veux utiliser l'argent de Knight pour mon bénéfice personnel. J'ai hâte de discuter de ma stratégie avec des actionnaires au cours des prochains jours », soutient Meir Jakobsohn dans un courriel envoyé à La Presse.

« Knight est un échec, une entreprise sans stratégie avec des liquidités gelées qui tente d'attirer l'attention des actionnaires sur autre chose que les vrais enjeux. »

Knight soutient que Meir Jakobsohn a exprimé l'année dernière le souhait de couper les liens. « Nous avons tenté de négocier de bonne foi une entente de séparation équitable, mais les offres de Meir Jakobsohn comportaient des modalités qui auraient entraîné une perte financière importante pour les actionnaires de Knight et un gain important pour Meir Jakobsohn », soutient l'entreprise. C'est alors que Meir Jakobsohn aurait décidé de se lancer dans une campagne activiste.

Cette campagne vise à placer Medison en position de force pour négocier, selon Knight, afin d'obliger l'entreprise à conclure une transaction avec Medison selon des modalités qui ne sont pas dans l'intérêt de Knight.

Meir Jakobsohn affirme que la stratégie de Knight est déficiente et soulève des allégations de conflits d'intérêts en raison de l'intérêt de Jonathan Goodman dans Pharmascience, société exploitée par son frère et son père. Knight répond que les actionnaires savent qu'il s'agit d'un intérêt passif et indirect, que Jonathan Goodman est en concurrence avec Pharmascience depuis 1996 et qu'il continuera de le faire pour assurer la réussite de Knight.

Knight en bref

Siège social : Montréal

Activités : société pharmaceutique qui concentre ses efforts sur l'acquisition, l'obtention sous licence de droits de distribution, la commercialisation et la distribution de produits et d'appareils médicaux.

Chef de la direction : Jonathan Goodman

Symbole boursier : GUD

Bourse : Toronto

Capitalisation boursière : un milliard

Nombre d'employés : 40

CHRONOLOGIE D'UNE LUTTE DE POUVOIR

28 FÉVRIER

Medison publie une lettre ouverte soulignant un besoin urgent de changement chez Knight et évoque des conflits d'intérêts impliquant Jonathan Goodman.

28 FÉVRIER 

Knight qualifie les propos de fausses accusations et commente les déclarations relatives à sa stratégie commerciale.

14 MARS

Medison critique Knight et présente un plan de création de valeur.

14 MARS

Knight réagit en qualifiant les prétentions de Medison de fallacieuses et d'égoïstes.

21 MARS

Knight intente une poursuite contre Medison.

1er AVRIL

Medison propose six candidats pour siéger au conseil de Knight en prévision de l'assemblée annuelle du 7 mai.

4 AVRIL

Knight publie sa circulaire de direction et invite les actionnaires à ignorer les propositions de Medison.

INFOGRAPHIE LA PRESSE