À son tour, Saputo change son fusil d'épaule et compte demander à ses actionnaires, dès la prochaine assemblée annuelle, de se prononcer sur la politique de rémunération des membres de sa haute direction.

La multinationale a fait part de son changement d'orientation à l'égard du vote consultatif - une mesure non contraignante - dans la section de son site web consacrée aux initiatives en matière de gouvernance.

« La société est consciente de l'importance qu'accordent les actionnaires à l'efficacité des programmes de rémunération des membres de la haute direction et souscrit pleinement à une communication ouverte et interactive avec les actionnaires », souligne-t-elle.

Aucun autre détail n'a toutefois été dévoilé par le transformateur laitier, qui affirme que les informations supplémentaires figureront dans la prochaine circulaire de sollicitation qui sera envoyée à ses actionnaires.

S'il n'y a pas eu d'annonce officielle, la décision a été prise par le conseil d'administration le 7 février dernier, a indiqué la porte-parole de Saputo, Sandy Vassiadis, par courriel.

« Notre conseil et les comités révisent nos pratiques de façon régulière et effectuent des recommandations, a-t-elle écrit. Celle-ci a été revue lors de la dernière réunion et la recommandation et l'adoption ont suivi. »

Depuis plusieurs années, le Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC) faisait pression sur Saputo entourant cette question. Il était revenu à la charge à trois reprises, sans succès.

Son coordonnateur, Willie Gagnon, a appris par hasard le changement d'orientation de Saputo, qui n'a pas fait d'annonce officielle et qui ne mentionne pas le nom de l'organisme dans les explications fournies en ligne.

« C'est un peu ingrat de constater que l'on ne récolte aucun crédit sur le plan de la visibilité, a-t-il déploré au cours d'un entretien téléphonique. Il n'en reste pas moins que l'objectif est atteint. »

Pour l'exercice 2018, le président et chef de la direction de Saputo, Lino Saputo fils, avait touché une rémunération globale - qui tient compte du salaire de base, des primes et autres incitatifs - de presque 4 millions.

Compte tenu du contrôle exercé par la famille Saputo sur l'entreprise, M. Gagnon ne croit pas que l'implantation du vote consultatif est uniquement un geste symbolique.

« Nous croyons que l'ordre symbolique change les comportements des gens, a dit le coordonnateur du MÉDAC. Nous croyons fermement que lorsque les choses sont dites, elles changent les façons de faire. »

Changement de ton

Adopté par de nombreuses entreprises, le vote consultatif a pris de l'ampleur depuis la dernière crise financière en raison de changements obligeant les sociétés américaines cotées à la Bourse à inclure une résolution approuvant la rémunération des dirigeants.

Au Québec, l'automne dernier, Alimentation Couche-Tard avait également fait volte-face en acceptant de soumettre la politique de rémunération de ses hauts dirigeants à un vote consultatif non contraignant.

Il s'agissait d'un changement de ton inattendu de la part de l'exploitant de dépanneurs et de stations-service, qui, année après année, s'opposait à ce type de changement au sein de ses pratiques de gouvernance.

Chez Saputo, la dernière tentative du MÉDAC sur cette question remonte à 2017. La société avait alors recommandé à ses actionnaires de voter contre la proposition de l'organisme, qui avait été battue lors du rendez-vous annuel.

La compagnie faisait valoir que le comité de régie et des ressources humaines de la société était « mieux placé » et qu'il ne devrait pas être « remplacé par un vote des actionnaires, même s'il n'est pas contraignant ».

Si Saputo et Couche-Tard ont modifié leur approche, d'autres joueurs du Québec inc, comme CGI, Power Corporation et TC Transcontinental, refusent toujours de demander l'opinion de leurs actionnaires sur la rémunération de leurs patrons.

À la fin janvier, à l'occasion de son assemblée annuelle, CGI avait une fois de plus opposé une fin de non-recevoir à la proposition du MÉDAC sur cette question.