Alors qu'Airbus a tiré un trait sur le nom C Series en rebaptisant l'avion A220, mardi, l'avionneur européen a également décroché une importante commande dans le marché américain, pour 60 appareils, de la part du transporteur JetBlue.

Dévoilé après la fermeture des marchés, ce contrat pour 60 A220-300 - autrefois appelé CS300 - comporte également des options pour 60 avions supplémentaires. Selon les prix catalogues, la partie ferme de la commande est évaluée à 5,4 milliards $ US, mais les compagnies aériennes bénéficient souvent de généreux rabais.

« À l'approche de notre 20e anniversaire, le A220, combiné avec notre flotte d'appareils A321 et A320, nous aidera à offrir la meilleure expérience de vol aux voyageurs en plus de nous permettre d'atteindre nos objectifs à long terme », a souligné le chef de la direction d'Airbus, Robin Hayes, par voie de communiqué.

Les A220-300 seront appelés à remplacer les avions Embraer 190 du transporteur brésilien - qui vient de conclure un partenariat avec Boeing dans le secteur des avions commerciaux - qui seront progressivement retirés de la flotte de JetBlue de 2020 à 2025.

Si les livraisons des A220 doivent débuter en 2020, elles se feront toutefois depuis la ligne d'assemblage pour cet appareil qui doit être construite aux installations d'Airbus à Mobile, en Alabama.

Le transporteur américain à bas prix établi dans l'État de New York avait déjà signalé qu'il souhaitait remplacer son parc d'appareils Embraer et avait été évoqué à plus d'une reprise comme client potentiel de la C Series, avant même que ce programme ne passe dans le giron d'Airbus.

Mais plutôt que de se tourner une fois de plus vers le constructeur brésilien, JetBlue a plutôt opté pour l'ex-C Series tout en apportant quelques modifications à ses commandes passées chez Airbus en convertissant 25 A320neo en A321neo ainsi qu'en ajustant la cadence des livraisons.

« Nous sommes très heureux d'ajouter JetBlue à la liste de clients de notre partenariat avec Airbus, a souligné Bombardier, dans une déclaration envoyée par courriel. C'est tout un début pour notre partenariat. »

Le transporteur new-yorkais s'était également porté à la défense de la C Series alors que l'avion était au coeur d'une dispute commerciale aux États-Unis et visé par d'importants droits compensatoires et antidumping en raison d'une plainte déposée par Boeing auprès du département américain du Commerce.

Delta est le plus important client de cette gamme d'avions appartenant à Airbus à la suite d'une commande ferme en 2016 pour 75 appareils assortie de 50 options.

Changement de garde

Tôt mardi, 10 jours après avoir pris le contrôle de la C Series, Airbus avait officialisé le changement de nom du programme dans le cadre d'un événement à Toulouse, où se trouve son siège social.

Pour l'occasion, sa nouvelle prise s'est posée sur le tarmac de ses installations coiffées d'un nouveau nom tout en arborant les couleurs d'Airbus. Le CS100 et le CS300 sont respectivement devenus les A220-100 et A220-300 dans le cadre d'une harmonisation du portefeuille du géant européen.

Le directeur du groupe d'études en management des entreprises en aéronautique à l'UQAM, Mehran Ebrahimi, a expliqué, au cours d'une entrevue téléphonique, que le changement d'appellation constituait une étape logique.

Toutefois, étant donné que l'avion avait été conçu pour se faire une place aux côtés des produits d'Airbus et de Boeing, il est conscient que la disparition du nom C Series peut avoir un effet psychologique au Québec.

« C'est un peu comme une famille qui voit son adolescent quitter le domicile, a expliqué M. Ebrahimi. Peut-être que l'on aurait aimé qu'il reste, mais la réalité c'est qu'il doit quitter. »

À Saint-Félicien, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, le premier ministre a concédé que le passage de la C Series dans le giron d'Airbus, était en quelque sorte un « petit deuil » pour de nombreux Québécois.

En mêlée de presse, il a toutefois rappelé que sans l'appui d'un géant comme l'avionneur européen, il n'y avait d'autres options pour Bombardier.

« L'alternative aurait été d'abandonner le programme, a dit M. Couillard. Il n'y avait pas de futur réaliste pour Bombardier de pouvoir vendre ses avions seuls sur le marché international. Il fallait passer par là (avec Airbus). »

Pour le professeur Karl Moore, du département de gestion de l'Université McGill, la nouvelle appellation de la C Series est un signal clair que l'avion n'est pas orphelin et qu'il est appuyé par un partenaire aux reins solides.

« Il y aurait eu beaucoup plus de nuages sombres dans le ciel si Bombardier n'avait pas eu de partenaire », a-t-il dit, au cours d'un entretien téléphonique.

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Les principales dates du rapprochement entre Bombardier et Airbus:

- Octobre 2015: Des discussions entre Bombardier et Airbus entourant la prise d'une participation majoritaire du géant européen dans la C Series sont éventées. À la suite des fuites dans les médias, l'avionneur de Toulouse met fin aux discussions.

- 16 octobre 2017: Un partenariat est annoncé entre les deux entreprises. Sans verser un sou, Airbus deviendra l'actionnaire majoritaire, à 50,01 pour cent, du programme de la C Series.

- 2 mai: Airbus annonce que c'est son chef de la gestion de la performance des avions commerciaux, Philippe Balducchi, qui sera aux commandes du programme. Airbus et Bombardier compteront chacun six membres au sein de l'équipe de direction, mais la gestion, les ventes et le marketing, notamment, seront confiés à des employés du géant européen.

- 8 juin: Les deux avionneurs annoncent que leur alliance a obtenu toutes les approbations nécessaires et qu'elle sera scellée plus tôt que prévu, soit le 1er juillet.

- 1er juillet: Comme prévu, Airbus prend les commandes de la C Series. La part de Bombardier passe à environ 33,76 pour cent. Celle du gouvernement québécois - qui a injecté 1 milliard US en 2015 - fond à quelque 16,24 pour cent.

- 3 juillet: Le passage de l'avion de Bombardier dans le giron d'Airbus est souligné à Mirabel dans le cadre d'une cérémonie à laquelle prenne nt part les dirigeants des deux avionneurs. Le grand patron du géant européen, Tom Enders, suggère qu'un changement de nom de la C Series est imminent.

- 10 juillet: Airbus rebaptise le programme de la C Series, qui devient le A220.