(Ottawa) Le Québec se voit retrancher près de 90 millions de dollars cette année en transferts fédéraux qui sont alloués par personne en raison des changements démographiques relevés au pays qui sont influencés par les politiques ambitieuses du gouvernement Trudeau en matière d’immigration.

La Presse a appris que le ministère fédéral des Finances a informé le Québec en octobre qu’il toucherait un peu moins d’argent sonnant en transferts fédéraux à la suite d’une révision des changements démographiques survenus dans l’ensemble des provinces jusqu’au 1er juin 2023.

Résultat : Québec obtiendra 65 millions de dollars de moins dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et 22,3 millions de dollars de moins dans le cadre du Transfert canadien en matière de programmes sociaux, deux paiements de transfert d’Ottawa qui sont alloués selon une formule tenant compte de la population.

La somme de 87,3 millions de dollars a été retranchée des montants de transfert qui sont versés mensuellement au Québec par Ottawa entre le 1er octobre et le 31 mars, date à laquelle prend fin l’exercice financier en cours.

Le début d’une tendance lourde ?

Cette somme est relativement peu importante sur un budget total de quelque 148 milliards. Québec prévoit toutefois dans son dernier budget un déficit avoisinant les quatre milliards pour l’exercice financier en cours et de l’encre rouge pour les trois exercices financiers suivants.

Mais cette révision à la baisse des transferts fédéraux distribués au prorata de la population pourrait être le début d’une tendance lourde en raison de la chute du poids démographique du Québec au sein de la fédération canadienne – une chute qui pourrait s’accélérer en raison des politiques en matière d’immigration d’Ottawa.

À l’inverse, l’Ontario, qui accueille une forte proportion des nouveaux arrivants au pays, a obtenu 91 millions de plus dans le cadre de ces deux programmes de transferts fédéraux, après une révision, en raison de la croissance de sa population, selon des documents du ministère des Finances obtenus récemment par La Presse grâce à la Loi sur l’accès à l’information.

« Les données tenant compte de la situation jusqu’au 1er juillet ont été dévoilées sur le site de Statistique Canada le 27 septembre. Les provinces et territoires étaient donc en mesure d’établir des estimations assez précises de l’impact des changements sur leurs paiements », soutient-on dans ces documents remis à la ministre des Finances, Chrystia Freeland, l’automne dernier.

PHOTO ADRIAN WYLD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

La ministre des Finances du Canada, Chrystia Freeland

Les calculs des montants des transferts aux provinces sont revus périodiquement par Ottawa afin de tenir compte des changements au sein de la population canadienne.

Cibles en matière d’immigration

Le gouvernement Trudeau s’est fixé des cibles ambitieuses en matière d’immigration. Le Canada doit accueillir 485 000 nouveaux arrivants en 2024 et 500 000 durant les deux années suivantes. À l’opposé, le gouvernement Legault a adopté des politiques plus restrictives qu’Ottawa, arguant que le Québec devait tenir compte de sa capacité d’accueil et de l’importance de protéger la langue française en fixant des cibles d’immigration.

Ainsi, Québec compte accueillir 56 500 immigrants permanents par année en 2024 et 2025. Ces seuils sont proportionnellement en dessous du poids démographique du Québec au sein de la fédération canadienne, lequel est d’environ 22 %.

Selon Geneviève Tellier, professeure titulaire à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa, des transferts à la baisse pour le Québec démontrent que la chute du poids démographique a des conséquences financières, en plus d’avoir un impact politique qui touche le nombre de sièges que détient la province à la Chambre des communes.

« Il n’y a donc pas juste des effets politiques liés à la chute du poids démographique du Québec au sein de la fédération canadienne. Il y a aussi des effets économiques. Cela risque d’être le début d’une tendance. On accepte beaucoup d’immigrants au Canada, mais peu au Québec par rapport à l’Ontario, par exemple. Et l’Ontario reçoit par conséquent plus d’argent », a analysé Mme Tellier.

« Cela montre les ramifications des changements démographiques en cours au pays. Quand on dit que le poids du Québec dans la fédération diminue, ça a des conséquences politiques, mais aussi économiques », a-t-elle ajouté.

Avec la collaboration de William Leclerc, La Presse