Montée de sève chez les producteurs de sirop d’érable. Les acériculteurs n’en peuvent plus d’attendre que Québec dévoile son plan visant à encadrer la hausse des entailles en forêt publique.

« Ça fait deux ans qu’on retient les producteurs d’aller manifester sur la colline Parlementaire par rapport à ce dossier-là. Là, je n’en ai plus d’arguments pour retenir les producteurs », a déploré le président des Producteurs et productrices acéricoles du Québec (PPAQ), Luc Goulet, en entrevue avec La Presse.

Piloté par le ministère des Ressources naturelles et des Forêts (MRNF), un « plan directeur » pour le développement de l’acériculture a fait l’objet de consultations publiques en juillet 2022. Son objectif premier est de créer, au sein de la forêt publique québécoise, une banque de superficies « à potentiel acéricole » à prioriser pour la production commerciale future des produits de l’érable.

Dans les faits, il aura aussi pour effet de protéger des érables à sucre qui poussent sur les terres publiques de la coupe destinée à l’industrie du bois.

Alors que débutent les premières coulées, ce ne sont pas que les évaporateurs d’eau d’érable qui ont commencé à bouillir. « Les producteurs sont en train de perdre confiance. On a une perte de confiance envers le Ministère », regrette M. Goulet.

Plus tôt cette semaine, le syndicat agricole qui représente les 13 300 acériculteurs de la province a envoyé une lettre à la ministre Maïté Blanchette Vézina pour dénoncer l’inertie du gouvernement avec qui il dit être en discussion sur le sujet depuis l’automne 2021.

À long terme, les PPAQ réclament la protection de 200 000 hectares.

« Il y a quelqu’un qui a décidé d’attendre avant de déposer [le plan directeur] parce qu’il pense que ça va faire un émoi au niveau des forestiers », estime M. Goulet. « Il faut comprendre que nous, les érables, on veut les cultiver et on veut les conserver debout. Au niveau de la protection du territoire, c’est exactement ce que la population veut. On préserve la ressource et on l’exploite », souligne-t-il.

Appui du monde municipal

Les PPAQ affirment avoir désormais l’appui de 272 municipalités et de 20 MRC en faveur d’un meilleur partage des forêts publiques.

Les conseils municipaux de ces villes et villages ont récemment adopté des résolutions qui appuient les producteurs dans leurs représentations devant le MRNF.

Le plan directeur « en est à sa phase finale au sein du ministère », assure Flore Bouchon, l’attachée de presse de la ministre Blanchette Vézina. « Il est sur le point d’être présenté à la ministre », a-t-elle écrit dans un courriel.

« L’harmonisation des usages est un enjeu incontournable lorsqu’il s’agit de la forêt publique. C’est la raison pour laquelle il faut prendre le temps de bien faire les choses », a-t-elle ajouté.

« Est-ce qu’ils sont en train de réécrire complètement le plan directeur ? », s’interroge toutefois M. Goulet. « On nous assure que ce n’est pas ça, mais d’un côté, on connaît le lobby de l’industrie forestière, comment il peut être fort au Québec. »

Protéger 200 000 hectares

Les forêts couvrent plus de la moitié du territoire québécois, avec 900 000 km2. Près de 92 % de ce territoire est public. Les acériculteurs aimeraient que 200 000 hectares soient protégés à long terme.

« À court terme, on nous a donné 24 000 hectares qui ont été cartographiés au Québec, mais ce n’est pas suffisant », dit M. Goulet.

Pour répondre à la demande sans cesse croissante de sirop d’érable, les producteurs projettent que le Québec aura besoin de 168 millions d’entailles d’ici 2080, si l’industrie veut répondre à une hausse annuelle de production d’environ 5,8 %.

Les acériculteurs voudraient que 30 % de ces nouvelles entailles, soit 36 millions, soient réalisées dans des forêts publiques.

À titre comparatif, en 2022, le MRNF recensait 1164 érablières en forêt publique, ce qui représente 39 476 hectares et plus de 9 millions d’entailles.

Du côté des forêts privées, il y avait, durant la même période, 6502 érablières en production en forêt privée, ce qui représente plus de 40 millions d’entailles. En calculant de 150 à 200 entailles par hectare, Québec estime que les érablières commerciales en forêt privée totalisent une superficie de 200 000 à 267 000 hectares.

« Actuellement, le MRNF dispose d’une banque suffisante d’hectares pour accompagner les PPAQ dans l’éventualité où ils décideraient d’émettre de nouveaux contingents d’ici l’ouverture de leur prochaine saison. Il n’y a donc pas d’enjeu à ce niveau. D’autant plus que les PPAQ disposent encore de 50 % des hectares que le MRNF leur avait octroyés en 2021. Selon les informations dont nous disposons, ils n’ont pas encore été mis en production », a indiqué Mme Bouchon.