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Les activités de compétence fédérale sont vitales pour l’économie, mais aussi pour la qualité de vie des citoyens. C’est pourquoi tout chamboulement de la chaîne logistique, comme un conflit de travail, peut provoquer des effets disproportionnés.

Dans le passé, des exemples au port de Montréal, au Canadien National ou bien aux aéroports nous ont démontré que les conséquences peuvent être énormes. Des délais s’ajoutent et c’est la réputation du Canada qui en pâtit.

Justement, le conflit qui a paralysé le port de Montréal en 2020 puis en 2021 a coûté jusqu’à 25 millions par jour de travail perdu. De toute évidence, personne ne gagne à ce que les entreprises de compétence fédérale soient si vulnérables. Celles-ci sont cruciales pour le fonctionnement de notre économie.

Tel a été notre étonnement quand, en octobre dernier, le gouvernement fédéral a annoncé vouloir interdire aux employeurs de compétence fédérale le recours aux travailleurs de remplacement durant une grève ou un lock-out. Ainsi, les entreprises comme les ports, les banques, les télécommunications et la radiodiffusion, le transport aérien, ferroviaire et maritime seraient touchées. Est-ce vraiment le souhait d’Ottawa de favoriser de telles perturbations lors d’un conflit de travail ?

Rappelons qu’un travailleur de remplacement, comme son nom l’indique, vient remplacer temporairement un salarié gréviste afin de permettre à l’entreprise de poursuivre certaines de ses activités.

Évidemment, il s’agit d’une maigre consolation. L’entreprise se prive quand même d’un salarié quand on lui demande d’exécuter les fonctions d’un autre travailleur en grève.

Imaginez si on lui enlève ce dernier recours d’urgence ; elle serait complètement inopérante aussi longtemps que le conflit perdure. Pourtant, la grève est un moyen de pression bien réel. N’est-elle pas suffisante ?

Pourquoi vouloir changer les règles du jeu alors qu’elles sont actuellement équilibrées et saines pour les syndicats et les employeurs ?

Dans un mémoire envoyé au gouvernement fédéral, le Conseil du patronat du Québec précise qu’il ne remet aucunement en question le droit constitutionnel des travailleurs canadiens de faire la grève. La possibilité de recourir à des travailleurs de remplacement n’affecte en rien la portée de ce droit.

La pertinence d’une telle interdiction démentie par l’expérience québécoise

Le Québec est l’une des deux seules provinces canadiennes à interdire aux employeurs de recourir à des travailleurs de remplacement pendant une grève.

En plus de 40 ans depuis son entrée en vigueur, l’interdiction d’avoir recours aux travailleurs de remplacement au Québec n’a démontré aucun bienfait, que ce soit en matière de réduction du nombre de conflits de travail, de leur intensité ou de leur durée. Quelles lacunes essayons-nous de corriger ici ?

Des impacts démesurés à envisager

Si Ottawa en venait à interdire les travailleurs de remplacement, c’est l’équilibre des forces qui serait rompu. Les entreprises, l’économie et la population canadienne en souffriraient. Un exemple concret ? Les tablettes de pharmacies seraient encore plus vides qu’elles ne le sont actuellement.

Les chaînes d’approvisionnement sont déjà sous tension. Un conflit de travail durant lequel il y aurait arrêt complet des activités n’ajouterait que de l’huile sur le feu.

Des milliers d’organisations comme les hôpitaux, les services ambulanciers et les entreprises de toute taille dépendent du bon fonctionnement des entreprises fédérales. C’est grâce à celles-ci qu’elles peuvent s’approvisionner et gérer leurs stocks.

Une seule question me vient alors à l’esprit : à qui rendons-nous service en envisageant une telle interdiction ? Certainement pas aux citoyens.