Neuf mois après avoir injecté près de 200 millions CAN dans Celsius Network en la qualifiant d’« entreprise de calibre mondial », la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) voit la controversée cryptobanque se placer à l’abri de ses créanciers. Les pertes semblent inévitables pour le bas de laine des Québécois.

Confrontée à ce qui était perçu comme une crise des liquidités après avoir gelé les retraits et transferts de ses 1,7 million de clients le 12 juin dernier, l’entreprise s’est tournée, mercredi soir, vers le chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites, dans l’espoir de se restructurer et de survivre. Les déposants et actionnaires risquent de perdre gros.

La CDPQ, qui avait participé à une ronde de financement d’au moins un demi-milliard de dollars en octobre dernier avec le fonds WestCap, s’est montrée avare de commentaires.

« Nous suivons le dossier de près et révisons la documentation présentée par Celsius, a indiqué une porte-parole de l’institution, Kate Monfette. Nous ne sommes pas en mesure de commenter davantage pour l’instant. »

Le gestionnaire québécois de régimes de retraite n’a toujours pas précisé comment son processus de vérification au préalable l’a convaincu d’investir dans une entreprise qui s’est effondrée dans les mois ayant suivi la transaction.

« S’il n’y a pas de nouveaux capitaux, [les actionnaires comme la CDPQ] vont tout perdre », souligne Martin Lalonde, gestionnaire de portefeuille chez Rivemont, une firme qui offre un fonds commun de placement basé sur le bitcoin.

Dans le monde de la cryptomonnaie, il n’y a aucune compagnie qui a passé au travers d’une situation de la sorte sans que tout le monde perde tout.

Martin Lalonde, gestionnaire de portefeuille chez Rivemont

D’après les premiers documents déposés par Celsius Network auprès des tribunaux new-yorkais, la CDPQ détenait une participation d’environ 4,8 %.

Modèle controversé

Les plateformes comme Celsius Network mettent en commun des dépôts de cryptomonnaie. Elles offrent des prêts et des intérêts, souvent supérieurs à 10 %, aux déposants, ce qui est bien plus élevé que ce que proposent les banques traditionnelles. Ces plateformes ne sont pas réglementées, et les actifs des déposants ne sont pas protégés. L’effondrement du cours des cryptomonnaies a placé la cryptobanque dans une situation financière précaire.

Lisez « La CDPQ dans les cryptobanques : risques et questions droit devant »

Aux États-Unis, Celsius Network était sous la loupe des gendarmes boursiers, qui souhaitaient encadrer ces nouveaux acteurs de la finance. Mardi, le département de la Finance du Vermont avait estimé, dans un avertissement, que le partenaire de la CDPQ était « hautement insolvable ».

Celsius Network dit avoir 167 millions US dans ses coffres, ce qui devrait lui permettre de poursuivre ses activités et de rémunérer ses employés, notamment. Elle n’a pas précisé comment elle comptait se relever. Deux nouveaux administrateurs ont été nommés, et les services de trois conseillers externes spécialisés dans les restructurations ont été retenus.

« C’est la bonne décision pour notre communauté et notre entreprise », a commenté dans un communiqué le cofondateur et chef de la direction de la cryptobanque, Alex Mashinsky.

Encore plusieurs questions

Selon les documents qui donnent le coup d’envoi aux procédures judiciaires de restructuration, Celsius Network compte plus de 100 000 créanciers. La plateforme estime que ses actifs valent entre 1 milliard US et 10 milliards US. La fourchette était identique en ce qui a trait à ses créances.

On voyait la décision venir. Quand tu empêches tes déposants de retirer leurs billes, c’est la preuve qu’il ne reste plus de solutions pour s’en sortir.

Martin Lalonde

Les déboires de Celsius Network ne se limitent pas à sa situation financière. Depuis la semaine dernière, la plateforme est visée par une poursuite déposée par un ex-partenaire d’affaires, qui l’accuse d’avoir orchestré un stratagème de Ponzi et manipulé des cryptoactifs, notamment.

Lisez « Le partenaire de la CDPQ accusé d’avoir orchestré une fraude à la Ponzi »

Celsius Network n’est pas la seule plateforme à lutter pour sa survie. Voyager Digital s’est également protégée de ses créanciers, tandis que Three Arrows Capital se trouve dans une procédure d’insolvabilité.

En savoir plus
  • 3 milliards
    La ronde de financement à laquelle a participé la CDPQ l’automne dernier valorisait Celsius Network à 3 milliards.
    source : Caisse de dépôt et placement du Québec