Le mot « faillite », rebutant pour bien des consommateurs, disparaîtra bientôt du titre officiel des syndics, qui s'en réjouissent.

À partir du 1er avril, les syndics de faillite deviendront officiellement des « syndics autorisés en insolvabilité ». Le Bureau du surintendant des faillites fédéral a annoncé en décembre dernier le changement de nom, réclamé depuis plusieurs années par les syndics, qui déplorent que leurs services soient méconnus.

« Le travail des syndics ne se limite pas au processus de faillite. »

- Chantal Gingras, vice-présidente de l'Association canadienne des professionnels de l'insolvabilité et de la réorganisation (ACPIR)

« Ce changement nous permettra de mieux faire connaître notre expertise », estime Mme Gingras.

ÉCHEC AUX CHARLATANS

La nouvelle appellation réduira la confusion avec les « redresseurs » financiers et autres négociateurs de dettes, des entreprises non réglementées, qui proposent des solutions douteuses et imposent des frais salés aux clients déjà pris à la gorge, dénonce Mme Gingras.

Les syndics déplorent la concurrence de ces firmes qui ciblent les consommateurs endettés en promettant de les libérer de leurs créanciers, par d'intenses campagnes de publicité et une forte présence sur l'internet. Ceux qui sont effrayés par le mot « faillite » ont tendance à bouder les syndics pour se tourner vers ces entreprises.

« Certains chargent aux consommateurs des frais qu'ils n'auraient pas à payer en allant voir un syndic directement, souligne Chantal Gingras. Leurs tarifs ne sont pas réglementés, contrairement aux honoraires des syndics, qui sont encadrés par la loi. Des gens se retrouvent donc plus tard dans notre bureau, sans avoir réglé leur problème, sauf qu'ils ont payé des frais pouvant atteindre 2500 $. »

Elle dit avoir constaté ces dernières années une multiplication de ces organismes, qui s'annoncent à la télé, à la radio et dans les journaux.

Or, les syndics autorisés sont les seuls à pouvoir administrer le processus menant au dépôt d'une proposition de consommateur ou d'une faillite, encadré par la loi, après avoir évalué l'ensemble de la situation financière du client et les solutions possibles.

Depuis 2009, la proposition de consommateur est accessible pour un plus grand nombre de cas d'insolvabilité - jusqu'à 250 000 $ de dettes, plutôt que 75 000 $ auparavant. Cette procédure simplifiée et moins contraignante est donc utilisée de plus de plus souvent, au détriment de la faillite.

Des firmes de redressement financier provoquent la confusion en indiquant sur leur site internet, dans la liste de leurs services, la faillite et la proposition de consommateur.

DES SYNDICS DÉLINQUANTS

Mais certains syndics contribuent eux-mêmes à l'incompréhension du public envers leurs services, en s'associant avec de tels intermédiaires ou en faisant des publicités qui misent sur les mêmes thèmes, bafouant la loi au passage, déplore Chantal Gingras.

Des syndics acceptent, par exemple, de recevoir des dossiers de clients transmis par des entreprises de redressement financier.

« Notre code de déontologie nous interdit de payer pour obtenir le dossier d'un client, explique la vice-présidente. Les syndics qui s'associent avec de telles tierces parties entretiennent la confusion quant à notre rôle. »

« Certains syndics à Montréal prennent des dossiers soumis par une firme, qui a déjà préparé tout le dossier pour eux. Il ne reste qu'à le faire signer par le syndic », témoigne Jonathan Roy, directeur du marketing chez Pierre Roy et associés, qui a déjà été approché par ce genre d'entreprises.

La publicité dans le domaine de l'insolvabilité est aussi strictement encadrée : un syndic qui annonce ses services doit préciser son titre. Or, au moins un syndic, le Groupe Leblanc, s'annonce sur des panneaux publicitaires le long des autoroutes, où on ne voit que l'adresse de son site web : Dettes.ca. Le Groupe Leblanc n'a pas donné suite à notre demande d'entrevue.