L'agence de notation Standard & Poor's a décidé vendredi de retirer son triple A à l'Union européenne, arguant de discussions de plus en plus difficiles sur les questions budgétaires, une annonce qui a fortement déplu en plein sommet à Bruxelles.

Auparavant «AAA» --la meilleure qui soit-- la note de l'Union européenne, qui sert de référence pour les investisseurs, a été abaissée d'un cran à «AA+». La perspective est en revanche «stable», ce qui signifie que S&P n'a pas l'intention de la modifier à moyen terme.

Argument mis en avant: la «cohésion» de l'UE s'est dégradée, souligne l'agence, estimant notamment que les longues négociations sur le budget pluriannuel de l'UE ont nécessité deux sommets de chefs d'Etat fin 2012 puis début 2013 et ont donné lieu à de nombreux bras de fer.

Lors de ces négociations, les principaux pays contributeurs au budget de l'UE -- le plus souvent ceux notés «AAA»-- ont demandé une réduction de leurs versements, souligne S&P.

En première ligne, se trouve la Grande-Bretagne, qui a âprement défendu son rabais. Londres a d'ailleurs vu son triple A confirmé vendredi par S&P, mais l'agence n'exclut pas de l'abaisser l'année prochaine si la reprise impressionnante de son économie s'avérait fragile.

L'agence d'évaluation financière a également confirmé la note à long terme «BBB+» de l'Irlande après la sortie du pays dimanche de son plan d'aide international, considérée comme un nouveau signe de sortie de crise.

Dans ce contexte, la sentence de S&P sur l'UE a fortement déplu à Bruxelles. D'autant qu'elle est tombée en plein sommet des dirigeants européens, mais aussi deux jours après un accord sur l'union bancaire, considéré comme une avancée majeure de l'UE pour résoudre les futures crises.

L'agence américaine n'en est pas à son coup d'essai. Il y a toute juste deux ans, elle avait déjà menacé d'abaisser la note de 15 pays de l'UE, dont les mieux notés, à deux jours d'un sommet de chefs d'Etat et de gouvernement européens.

«Standards au rabais»

Contrairement à son habitude de ne pas commenter ce type de décisions, la Commission européenne est montée au créneau pour faire part de son «désaccord». «Les États membres ont toujours, y compris pendant la crise financière, apporté leur contribution au budget européen, et dans les temps», a souligné le commissaire européen chargé des Affaires économiques, Olli Rehn.

Il a surtout rappelé qu'en vertu des traités européens, le budget de l'UE ne pouvait pas être en déficit et que l'UE n'avait pas de dette. L'UE emprunte sur les marchés pour prêter de l'argent à des pays tiers et financer certains de ses programmes. Son encours de crédits s'établissait en décembre à 56 milliards d'euros, selon S&P.

«C'est une analyse faite par des experts qui jadis, avant la crise bancaire, avaient trouvé que tout allait bien. Il faut toujours relativiser une opinion», a réagi le Premier ministre belge, Elio Di Rupo.

Plus violent, un responsable européen sous couvert d'anonymat s'en est pris aux «standards au rabais» («poor standards», en anglais) de l'agence Standard & Poor's, estimant que la dégradation était une «erreur». «Ce sont ceux qui ont attribué un triple A à la banque Lehman Brothers» qui a par la suite fait faillite, a-t-il souligné.

L'UE était préparée à un possible abaissement de sa note depuis janvier 2012, quand S&P avait abaissé la perspective à «négative», face à l'intensité de la crise en zone euro.

Depuis, plusieurs grands pays de l'Union, dont la France, ont vu leur note être dégradée. Après la perte par les Pays-Bas de leur «AAA» fin novembre, il ne reste plus que six pays de l'UE dotés d'un triple A. Un autre argument mis en avant par Standard & Poor's.