La crise de la dette dans la zone euro et les craintes de récession sur le Vieux Continent, et par extension dans le reste du monde, font souffler un vent europhobe aux États-Unis.

Les Grecs, selon le milliardaire américain Charlie Munger, «ne veulent ni payer d'impôts ni travailler».

Ce jugement du plus proche associé du milliardaire américain Warren Buffett avait suscité un murmure d'approbation lors de la dernière assemblée générale du fonds d'investissement Berkshire Hathaway à Omaha (Nebraska), en avril dernier.

Ce genre de commentaires trouve un large écho aux États-Unis depuis quelques mois: le stéréotype de l'Européen du Sud «paresseux» y fleurit, tout comme dans le nord de l'Europe.

Certains experts et analystes ont beau citer les statistiques européennes montrant que les Grecs travaillent en moyenne 41 heures par semaine, comparé aux 34 heures aux États-Unis (selon les chiffres officiels mesurant l'emploi principal des Américains), ils sont plus nombreux à mettre en exergue le gaspillage des fonds publics et les faiblesses du pays, décrites comme culturelles.

Quand les médias américains parlent des remèdes contre la crise de la dette en Europe, les mesures d'austérité sont plus souvent présentées comme moins de prosecco (vin mousseux) et de panettone (brioche traditionnelle) pour les Italiens ce Noël que comme un véritable plan de rigueur.

«Quand on entend des stéréotypes, c'est très souvent du type: 'Ces Grecs, ils ont vécu au-dessus de leurs moyens et maintenant il va falloir payer'», remarque Alexei Monsarrat, du centre de recherche Atlantic Council.

Une perception particulièrement fréquente à Washington, où l'opposition républicaine, toujours prompte à dénoncer le gouvernement «tentaculaire» et les programmes sociaux, prévient que les États-Unis pourraient «finir comme l'Europe» si les dépenses publiques ne sont pas réduites immédiatement et de façon drastique.

«L'idée qui prévaut, c'est que les Allemands ont raison: il faut que ces gens-là (les Grecs, NDLR) acceptent de se serrer la ceinture», explique Bruce Stokes, du German Marshall Fund.

Mais cela ne tient pas compte du fait que «c'est un serrement de ceinture bien supérieur à ce que supporterait un Américain», ajoute-t-il.

Le problème, selon lui, c'est que ces stéréotypes «compliquent le débat et rendent la crise plus difficile» à gérer.

Et surtout, cette perception rend plus difficile une participation des États-Unis à un plan d'aide à l'Europe, bien que le président Barack Obama ait souligné à plusieurs reprises l'importance pour les États-Unis d'une économie européenne saine.

Selon Jacob Funk Kirkegaard, un chercheur danois du Petersen Institute à Washington, les critiques à l'encontre de l'Europe sont surtout dues à une mauvaise analyse de la situation.

«Beaucoup des critiques que nous entendons ici tournent autour de questions comme 'pourquoi la BCE ne fait-elle pas ce que la Fed a fait' ou 'pourquoi les Européens ne font pas ce que le Trésor a fait'» pour gérer la crise financière de 2008, explique-t-il.

«D'une certaine manière, c'est une critique légitime si on considère la crise européenne similaire à celle des États-Unis: une crise financière et une crise d'équilibre budgétaire», poursuit le chercheur. «Or à mon avis, la crise de l'Europe est très différente: c'est une crise politique, elle concerne les institutions de la zone euro».

Et une négociation politique prend du temps, ce que les marchés n'aiment pas.

«Ce qui inquiète le plus, c'est la lenteur à laquelle tout ceci a évolué», note M. Monsarrat. «Les gens se plaignent du fait... qu'il n'y a apparemment pas de responsable capable de dire: c'est comme ça, c'est tout».

«Malheureusement», conclut l'expert de l'Atlantic Council, «ce n'est pas comme ça que l'Europe fonctionne».