Le courtier Marc Dalpé dit avoir été congédié injustement par le Mouvement Desjardins. Selon lui, ce sont les négociations entourant son contrat lucratif qui ont poussé Desjardins à rompre les relations et non les comptes aux Bahamas.

Le 3 novembre, rappelons-le, Valeurs mobilières Desjardins (VMD) a congédié Marc Dalpé et son associé Jean-Marc Milette parce qu'ils auraient fait des transactions secrètes aux Bahamas à l'insu de l'employeur.

Pour s'expliquer, Marc Dalpé a fait la tournée des médias. À La Presse, il a soutenu que son équipe n'avait que quatre clients au Crédit Agricole Suisse (Bahamas), dont l'actif totalisait 900 000 $. Trois d'entre eux sont ses clients depuis plusieurs années, même depuis 1998, à l'époque où M. Dalpé travaillait pour le courtier de la Banque Nationale.

Ses employeurs ont toujours su qu'il avait ces comptes, dit-il. À l'époque, la Banque Nationale était forcément au courant, puisque les comptes étaient détenus par la filiale des Bahamas de la Banque, dit-il. Cette filiale a été achetée par le Crédit Agricole Suisse en 2008. «Détenir des comptes aux Bahamas était une pratique relativement courante dans les années 90. Les banques canadiennes avaient pour la plupart des filiales là-bas», dit M. Dalpé, qui affirme que de tels clients veulent placer des fonds à «l'abri des regards».

Quand il est passé chez Desjardins, en 2003, Marc Dalpé dit avoir ouvert son jeu au patron de l'époque de VMD, Jean-Pierre De Montigny. L'homme lui aurait dit de continuer à gérer les placements comme il se devait.

Jean-Pierre De Montigny, rappelons-le, a quitté VMD en 2005, peu après que les autorités eurent imposé une amende globale de 2 millions à VMD pour des manquements graves aux règles de conformité. De cette somme, 300 000 $ devaient être payés par M. De Montigny personnellement.

«J'ai toujours été transparent, dit Marc Dalpé. Je n'avais pas de raison de ne pas l'être. Mon erreur a été de n'avoir pas rempli le formulaire de la Banque Nationale à l'époque, lorsque j'ai hérité de ces clients. Il s'agit d'un formulaire concernant mes activités externes à l'entreprise», a expliqué M. Dalpé, qui préfère ne pas parler des frais de gestion qu'il a collectés pour ces quatre clients et qui sont restés dans un compte aux Bahamas.

Marc Dalpé soutient que l'affaire des Bahamas a été mise au jour par Desjardins vers le mois d'octobre, au moment même où les deux parties renégociaient le contrat qui les liait.

Essentiellement, M. Dalpé explique qu'il bénéficiait d'un contrat de commission beaucoup plus généreux que la norme, qui lui accordait une part croissante des revenus de gestion en fonction du volume de clients. Avec les années, sa quote-part est devenue largement plus importante que la norme, habituellement de 50-50 avec l'employeur. La croissance des affaires de l'équipe Dalpé Milette a eu pour résultat que Desjardins ne faisait pratiquement plus d'argent, selon lui.

«Ils voulaient nous imposer un nouveau contrat», dit-il, ce qu'il a refusé. Comme il n'y avait pas d'échéance au contrat, Desjardins ne pouvait rompre la relation sans pénalité, d'où le congédiement pour l'affaire des Bahamas, soutient M. Dalpé.

Pour le porte-parole des Desjardins, André Chapleau, ces arguments ne tiennent pas la route. «Sinon, pourquoi aurions-nous congédié également sept autres courtiers d'ailleurs au Québec pour l'affaire des Bahamas?», dit-il.

De plus, depuis 2008, le clan Dalpé Milette devait signer chaque année le formulaire sur le respect de la conformité et de l'éthique, qui comprend un volet sur les activités externes comme les comptes aux Bahamas.

Le nouvel employeur de l'équipe Dalpé Milette est la firme Richardson GMP. Les deux conseillers seront étroitement surveillés par la firme, à la demande de l'Organisme canadien de réglementation du courtage des valeurs mobilières (OCRCVM). D'ici trois mois, les deux devront également suivre et réussir le cours sur les normes de l'industrie. Si ces règles sont respectées, le dossier sera fermé dans six mois à l'OCRCVM, selon Luc Papineau, le directeur de succursale de Richardson.

Le son de cloche diffère à l'OCRCVM, «Dossier fermé? Non. On verra si ce que nous trouverons lors de notre enquête fera l'objet d'accusations en discipline ou non», explique la présidente, Carmen Crépin.

Quoi qu'il en soit, l'équipe Dalpé Milette doit reconquérir ses 2500 clients. Environ la moitié peut être récupérée immédiatement. L'autre moitié, celle qui concerne des clients référés par Desjardins, pourra faire l'objet de sollicitation à partir du 16 mars.