Les vaillants pays émergents à la rescousse d'une Europe vacillante? Le message émane de Pékin ou Brasilia, mais si ces jeunes puissances peuvent soutenir la zone euro et la croissance mondiale, cela implique des risques financiers et un changement de modèle économique.

Le groupe des Brics, qui rassemble Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud, se réunira le 22 septembre à Washington pour étudier «comment aider l'Union européenne». Et la Chine s'est dite prête à «augmenter ses investissements en Europe».

«Tout le monde doit participer à la recherche de solutions, car l'économie est mondialisée et la crise a des effets négatifs dans tous les pays», acquiesce Alex Agostini, chef économiste du cabinet brésilien Austin Rating.

Selon N.K. Singh, membre du parlement indien, les Brics ont donc intérêt à éviter que la crise ne dégénère, car cela aurait des répercussions sur leurs exportations, via des «incertitudes autour des taux de changes» mais aussi un «climat de protectionnisme».

Reste à savoir ce que les puissances émergentes peuvent faire: les économistes identifient deux domaines dans lesquels leur soutien serait le bienvenu.

D'abord, pour contribuer à éteindre l'incendie, ils peuvent acheter de la dette d'États de la zone euro en difficulté.

«Tous les pays émergents sont devenus excédentaires, pas seulement la Chine» qui dispose des plus importantes réserves de change au monde avec plus de 3000 milliards de dollars, relève Agnès Bénassy-Quéré, directrice du Centre français d'études prospectives et d'informations internationales (Cépii).

«Pour recycler ces excédents, plutôt que de tout mettre dans l'or et le franc suisse, ça ne ferait pas de mal qu'ils achètent des bons du Trésor italien», glisse-t-elle, évoquant là «une clé de la sortie de crise».

Le mouvement est d'ailleurs déjà engagé, explique Bhanu Baweja, spécialiste des économies émergentes chez UBS, puisque ces pays tentent de diversifier leurs réserves afin de ne pas détenir que des dollars.

La directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) Christine Lagarde a toutefois mis en garde: les Brics ne doivent pas se limiter à acheter des titres «jugés sûrs par tous», comme ceux de l'Allemagne.

Ils doivent donc acquérir des obligations d'États dont certains investisseurs redoutent qu'ils ne soient un jour dans l'incapacité de rembourser leur dette.

«Ils peuvent en acheter un peu, mais je ne pense pas qu'ils soient prêts à en acheter énormément», tranche Bhanu Baweja.

Selon lui, le risque est trop important, d'autant que les pays émergents, déjà confrontés à leurs propres défis, «n'ont pas beaucoup de certitudes sur la manière dont les institutions financières vont finalement gérer la crise et une éventuelle sortie de la Grèce de la zone euro».

Une intervention des émergents peut «aider à réduire la volatilité actuelle, mais ça ne résoudra pas le problème», estime Alex Agostini.

L'autre domaine où leur aide est attendue est la croissance mondiale, au moment où les pays riches sont en panne.

Le G7, qui réunit Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni, a échoué la semaine dernière à apporter une réponse convaincante au ralentissement économique, et s'est donc tourné vers le G20, qui regroupe aussi les États émergents.

Ces derniers «peuvent contribuer en faisant ce qu'ils ont dit, notamment la Chine en rééquilibrant sa croissance vers la demande intérieure», ce qui permettrait aux pays riches de leur vendre leurs produits, explique Mme Bénassy-Quéré.

Pour elle, le mouvement sera naturel: «Si la croissance mondiale faiblit, les marchés émergents ne pourront plus compter sur leurs seules exportations mais auront plutôt intérêt à développer leur marché intérieur.» «Il faut accélérer ce mouvement», insiste l'économiste.