La BCE assure que les banques européennes ne sont pas aussi mal en point qu'après la faillite de Lehman Brothers, mais ses récentes opérations alimentent les inquiétudes sur la solidité du secteur.

Les banques de la zone euro ont effectué jeudi pour 90,5 milliards d'euros de dépôts d'urgence auprès de la Banque centrale européenne, soit un record pour la semaine, selon des statistiques publiées vendredi.

Des dépôts élevés sont le signe que les banques sont réticentes à se prêter entre elles et qu'elles préfèrent confier leurs surplus de liquidités à la BCE, qui les rémunère pourtant chichement à 0,75%.

«Nous prenons ces signaux au sérieux», a déclaré l'économiste en chef de la BCE, Jürgen Stark, dans une interview au Handelsblatt publiée vendredi.

La situation actuelle n'est toutefois «pas comparable à celle de l'automne 2008 après la faillite de Lehman Brothers», la banque d'investissement américaine dont le dépôt de bilan avait déclenché la crise financière mondiale, a-t-il assuré.

En octobre et novembre 2008, les dépôts des banques de la zone euro auprès de la BCE dépassaient parfois allègrement les 200 milliards d'euros.

M. Stark a également assuré que le prêt exceptionnel de 50 milliards d'euros sur 6 mois consenti le 4 août par la BCE aux banques de la zone euro pour détendre la situation ne serait pas renouvelé dans l'immédiat.

«Les banques ont un discours ambigu en affirmant qu'il n'y a aucune raison de s'inquiéter alors qu'elles vont se refinancer auprès de la BCE et sont de moins en moins enclines à se prêter entre elles», déplorait un analyste sous couvert d'anonymat.

Mercredi, un mystérieux prêt de 500 millions de dollars sur sept jours de la BCE à une banque de la zone euro, la plus grosse opération du genre cette année, a enflammé les marchés financiers, faisant redouter un resserrement des prêts interbancaires en billet vert.

Par ailleurs, la Réserve fédérale américaine (Fed) s'inquiète de la capacité des filiales de banques européennes aux Etats-Unis à maintenir un niveau adéquat de liquidités, au cas où leurs maisons mère seraient contraintes à rapatrier brutalement des capitaux, a affirmé jeudi le Wall Street Journal.

«500 millions de dollars, c'est malgré tout une somme limitée, il doit s'agir d'une petite banque, peut-être italienne ou espagnole, qui n'avait pas d'accès direct à des financements en dollars», selon l'économiste Frank Engels de Barclays Capital.

«Nos experts des marchés monétaires nous disent qu'il n'y a actuellement aucune tension sur les financements en dollars pour les banques européennes», assurait M. Engels à l'AFP. «Mais, en ce moment, le moindre signe de stress fait les gros titres».

«Je partage l'avis que nous ne sommes pas dans le même contexte qu'au temps de Lehman Brothers (...). Je pense que pour l'instant les banques de la zone euro augmentent leurs dépôts auprès de la zone euro par mesure de précaution» suggérait Marco Valli, économiste chez UniCredit.

Le déficit de liquidités des banques européennes par rapport aux crédits qu'elles accordent est un autre facteur d'inquiétude qui plombe les valeurs bancaires européennes, et en particulier les françaises.

«Structurellement les banques européennes sont en déséquilibre, en déficit de liquidité» avertit Christophe Nijdam, analyste bancaire pour AlphaValue.

Le ratio de prêts sur dépôts des banques européennes, c'est-à-dire le rapport entre l'argent qu'elles prêtent et celui qu'elles ont en dépôt, est de 130% en moyenne, contre 90% pour les consoeurs américaines et 80% chez les asiatiques, selon lui.

Et les banques françaises seraient «les plus mauvaises élèves au niveau européen» sur ce point, selon M. Nijdam.

Emportées par les valeurs bancaires, les Bourses européennes ont violemment replongé jeudi, après avoir déjà connu plusieurs séances noires ce mois-ci. Le mouvement de forte baisse se poursuivait vendredi.