La famille d'un petit garçon de Dolbeau-Mistassini lourdement handicapé intellectuellement et physiquement à la suite d'une erreur médicale datant de 2008 recevra 3 millions de dollars du système de santé.

Émilio Pedneault avait 2 ans lorsqu'il a manqué d'oxygène au tout début d'un transfert entre deux hôpitaux : l'utilisation d'un appareil à oxygène pour adulte et le manque de surveillance sont responsables du cauchemar que sa famille et lui traversent, a déterminé le juge Jocelyn Rancourt, de la Cour supérieure. Des fautes attribuables à l'hôpital, qui devra payer.

La vie du petit garçon a basculé le 20 avril 2008, alors qu'il s'est renversé le contenu d'une bouteille de débouche-tuyaux sur la tête. Après des soins sommaires, l'hôpital local de Dolbeau-Mistassini a préféré transférer le jeune patient à Québec.

Mais dans les minutes qui ont suivi son installation dans l'ambulance qui devait faire le voyage, une catastrophe s'est produite.

« L'air du respirateur portatif Crossvent ne se rend pas à ses poumons », relate le magistrat dans une décision rendue au début du mois. « Le coeur d'Émilio commence à souffrir et ses battements diminuent de façon significative jusqu'à l'arrêt cardiaque. C'est l'asystolie. Puisque le sang ne se rend plus vers son cerveau et que l'oxygène cesse également de se rendre à ses cellules cérébrales, Émilio subit des dommages cérébraux irréversibles. »

Depuis, il vit avec des « séquelles excessivement graves », écrit le juge Rancourt : il est cloué à son fauteuil roulant, doit être gavé, ne parle pas, ne contrôle ni sa tête ni son tronc et souffre « d'un retard global de développement ».

« En 2008, on a passé sept mois au CHUL. On est encore en train de faire notre deuil, mais on a choisi de foncer au lieu de se replier sur nous-mêmes, mon conjoint et moi », avait dit la mère du petit Émilio, Karine Tremblay, au journal local Nouvelles Hebdo, il y a trois ans.

Elle ajoutait que son fils prenait 32 doses de médicaments chaque jour. « C'est très exigeant, on devient épuisés. Pour être confortable, il est traité aux soins palliatifs. Émilio a une espérance de vie minime, mais notre enfant est encore là. On ne veut pas le placer nulle part », ajoutait-elle. La famille a refusé la demande d'entrevue de La Presse.

Deux fautes

Après une entente entre la famille Pedneault, l'hôpital de Dolbeau-Mistassini et les médecins impliqués, le juge Jocelyn Rancourt n'avait pas à déterminer le montant du dédommagement, soit 3 millions, mais seulement qui aurait à le payer.

Dans sa décision, il retient que c'est l'utilisation de matériel respiratoire pour adulte par une inhalothérapeute qui a causé l'arrêt cardiaque du petit Émilio : cette erreur a fait en sorte qu'il recevait à chaque inspiration « plus de la moitié du volume en gaz vicié » de l'expiration précédente. « Fait à souligner :  [l'hôpital] ne dispose d'aucun circuit ventilatoire pédiatrique », écrit le juge.

Mais les conséquences de cette première erreur auraient pu être minimisées, n'eût été « la surveillance fautive » d'une autre inhalothérapeute, chargée de veiller sur son petit patient.

«  [Des vérifications d'usage] auraient permis de détecter précocement l'arrêt cardiorespiratoire et de probablement empêcher la survenance des dommages cérébraux », souligne le juge Jocelyn Rancourt, de la Cour supérieure.

Il aura finalement été en arrêt cardiaque pendant neuf longues minutes.

L'hôpital n'a pas fourni « l'équipement adéquat pour ventiler Émilio », conclut le juge Rancourt. « À titre de commettant, il est également responsable des fautes commises par ses préposées les inhalothérapeutes. »

Les médecins, quant à eux, ont fait leur travail correctement, ajoute-t-il.

Une espèrance de vie de 15 ans

L'avocate de la famille, Me Joëlle Dubois, du cabinet Tremblay, Bois, Mignault, Lemay, a indiqué en entrevue que le dédommagement permettrait de faire en sorte que le garçon ait tout ce qu'il a besoin.

« Ça ne ramène pas leur bébé. Ils ont un enfant qui est très, très handicapé. Le montant d'argent permet de rendre les choses plus faciles au niveau des ressources. Mais c'est sûr que la lourdeur des handicaps d'Émilio reste entière. »

Son espérance de vie a été réduite à 15 ans. Il a aujourd'hui 11 ans. Les dommages ont été calculés en fonction de cette triste réalité, a indiqué Me Dubois.

Du côté du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Saguenay - Lac-Saint-Jean, qui inclut maintenant l'hôpital de Dolbeau-Mistassini, on refuse de commenter le dossier.

« On prend connaissance présentement du jugement de la cour », a affirmé le porte-parole Marc-Antoine Tremblay.