« Les gens vont y réfléchir à plus qu'une fois avant de poser des gestes ingrats » envers une personne âgée avec le feu vert donné aux caméras cachées ou non dans les CHSLD, soutient la ministre responsable des Aînés, Francine Charbonneau. Les syndicats offrent une résistance face à ses intentions.

Selon les orientations ministérielles présentées mercredi, Québec reconnaît le droit d'un résidant ou de son représentant légal d'installer une ou des caméras dans une chambre sans obtenir une autorisation préalable de l'établissement. Ce peut être fait à l'insu des dirigeants d'un CHSLD et de ses travailleurs.

« Les gens sont chez eux » dans un CHSLD et peuvent recourir à ce moyen de surveillance comme dans une résidence privée, a plaidé Mme Charbonneau devant les journalistes mercredi. Elle a rappelé que des établissements ont empêché des résidants à installer des caméras dans le passé. 

Le recours aux caméras est déjà permis d'un point de vue légal, mais il fait l'objet de débats depuis des années. La ministre veut dissiper le flou actuel, car, faute d'encadrement, « ça se faisait n'importe comment ».

Les orientations ministérielles comportent peu de restrictions à l'utilisation de caméras, dissimulées ou non, dans une chambre. « Cette installation n'exige pas l'autorisation préalable de la part l'établissement ». Mais ce dernier « doit installer un panneau signalétique visible dans son hall d'entrée pour indiquer la présence possible de caméras de surveillance à l'intérieur des chambres ». On prévoit également que les caméras ne doivent pas filmer un co-chambreur ou des lieux autres que la chambre, comme le corridor, le poste de garde et la salle à manger commune. La diffusion publique des images ou d'enregistrements sonores « sur un site Internet ou autre » est interdite.

« La prestation de services ne doit pas être affectée » parce que le résidant a installé une caméra. Québec veut éviter d'éventuelles représailles ou le refus d'un employé de donner les soins.

La décision de recourir à la surveillance « devrait être réévaluée périodiquement » par le résidant ou son représentant légal.

Québec soumet ses orientations au débat dans le cadre des consultations sur son projet de loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et les personnes vulnérables. Il veut en faire un règlement en bonne et due forme à la suite de l'adoption de cette pièce législative.

Les syndicats réfractaires

Les syndicats sont réfractaires aux intentions du gouvernement. « On ne peut pas surveiller les gens continuellement dans le cadre de leur travail. À notre avis, la charte protège », a plaidé le président de la FTQ, Daniel Boyer. Un syndicat de la FTQ se retrouvera bientôt en cour d'appel pour contester le recours à des caméras dans les CHSLD.

M. Boyer, qui a été préposé aux bénéficiaires pendant sept ans, a déploré que les intentions du gouvernement donnent l'impression que « l'ensemble ou la majorité des travailleurs sont délinquants ».

Il demande à Québec de permettre les caméras uniquement lorsque des motifs sérieux le justifient. « On n'a rien contre l'utilisation des caméras quand c'est approprié, quand c'est balisé, quand on a des doutes, quand on a des faits (...), si on suspecte quelqu'un », a-t-il affirmé. Il réclame un débat public « plus sérieux » que ce que propose la ministre Charbonneau.

«Des paramètres qui semblent acceptables», dit le Barreau

Pour le Barreau du Québec, les orientations ministérielles prévoient « des paramètres qui semblent acceptables ». « Dès qu'on sort du milieu de vie habituel, donc de la chambre de l'usager, là, il faut faire attention. Mais dans la chambre, il n'y a pas de problème. Mais il faut s'assurer de la raisonnabilité, de l'objet, il y a un test », a dit la bâtonnière du Québec, Claudia Prémont. Dans la chambre, « la personne peut faire ce qu'elle veut parce qu'elle est considérée comme étant chez elle ».

Dans son mémoire, la Commission des droits de la personne a fait valoir que cette question doit être soupesée avec attention. Elle recommande que les modalités d'utilisation des caméras « fassent l'objet d'un débat public au lieu d'être renvoyées au pouvoir réglementaire du gouvernement ».

Pour le Protecteur du citoyen, « il ne faudrait pas que le règlement vienne compliquer les choses pour des usagers qui voudraient en installer dans leur milieu de vie et qui seraient désormais confrontés à une série d'autorisations préalables ».

Le Parti québécois a les mêmes inquiétudes que les syndicats quant aux droits des travailleurs. De son côté, la Coalition avenir Québec demande au gouvernement d'étendre son règlement aux 1850 résidences privées pour personnes âgées.