La nouvelle a fait le tour de l'Amérique du Nord: un jeune violoncelliste de Montréal allait hériter d'un Stradivarius, évalué à 6 millions de dollars, grâce à une mécène qui préférait rester dans l'ombre. L'histoire a été racontée à maintes reprises, sur toutes les tribunes, éclipsant un peu (peut-être) le musicien très doué qui allait pouvoir jouer sur cet instrument, fabriqué en 1707 par le grand maître. Pour sa passion, sa motivation et son dévouement pour son art et la musique; La Presse et Radio-Canada décernent à Stéphane Tétreault le titre de Personnalité de la semaine.

À 18 ans, la feuille de route de Stéphane Tétreault est impressionnante. Il a remporté la première place au Concours de l'Orchestre symphonique de Montréal à 14 ans, il a participé au prestigieux Concours international Tchaïkovski en Russie l'année dernière; en plus de s'être déjà produit un peu partout sur la planète. Le jeune virtuose sera le soliste invité de l'Orchestre Métropolitain dans le Concerto pour violoncelle et orchestre d'Antonin Dvorjak, en avril prochain. Et il jouera avec l'Orchestre philharmonique de Malaisie, sous la direction du chef britannique, maestro Paul MacCreesh, au mois de mai. Il interprétera les Variations sur un thème rococo de Tchaïkovski, dans sa version originale.

Malgré les honneurs et les concerts prestigieux, le musicien émérite reste un jeune artiste qui aime bien sortir des sentiers battus quand l'occasion se présente. Il y a quelques jours, Stéphane Tétreault a délaissé son précieux Stradivarius pour un violoncelle particulier. Il vient en effet d'enregistrer une pièce pour violoncelle électrique et platine de tourne-disque, au Théâtre Outremont. «On m'a enregistré plus précisément dans le monte-charge du théâtre. Ça convenait tout à fait avec la pièce», dit-il. Le violoncelle électrique a-t-il des avantages sur le Stradivarius? «Il est bon pour mon ego. Si je veux que ce soit plus fort, je n'ai qu'à augmenter le son de l'amplificateur», dit le musicien à la blague. Le jeune homme avoue avoir adoré l'expérience. «C'était aussi dans les goûts de mon père. Il a déjà joué de la basse électrique dans des groupes rock», avoue-t-il. Ce dernier l'accompagne à presque toutes ses prestations. «J'aime bien avoir une présence familière. C'est rassurant. Et il aime ça», précise-t-il.

Aussi le fils d'une «mère mélomane», la musique a toujours été présente dans la vie de Stéphane. Mais le violoncelle, lui, est arrivé par hasard. C'est son enseignante à l'école FACE qui l'a convaincu de jouer du violoncelle. «Tout le monde jouait de la flûte à bec ou du xylophone et il fallait choisir un instrument plus sophistiqué. J'avais décidé de jouer du violon», raconte-t-il. Mais voyant qu'elle avait déjà une vingtaine de violonistes et seulement deux violoncellistes, la professeure s'est mise en tête de convaincre le garçon de choisir le violoncelle. La tâche ne fut pas facile. L'enseignante a même dû lui promettre un cadeau à la fin de l'année. «Quand j'ai entendu le mot «cadeau», j'ai dit oui, tout de suite. Et elle m'a acheté trois CD, une fois les classes terminées», avoue-t-il en riant.

Avec ses engagements, les répétitions et ses études, il est présentement en deuxième année d'un baccalauréat en interprétation à l'Université de Montréal; Stéphane avoue qu'il voudrait parfois plus de temps pour assouvir ses autres passions: la cuisine, l'écriture et l'Histoire. «Mais il me faudrait quatre vies différentes pour faire tout ce que je veux», avoue-t-il.

Pour l'instant, l'histoire d'amour se poursuit entre lui et le précieux violoncelle. La présence du Stradivarius ne semble pas avoir changé le jeune homme qui garde les deux pieds sur terre. «Ce violoncelle me pousse seulement à donner le meilleur de moi-même. C'est une belle pression, ça ne me fait pas peur. Au contraire, j'adore ça la pression», dit-il. Le musicien n'est pas non plus trop angoissé par la valeur monétaire de l'instrument. Avant son passage à l'émission de télé, Tout le monde en parle, l'équipe de production lui a offert d'engager quelques gardes de sécurité. Le jeune homme a refusé: «Pas besoin, j'ai mon père».