« Toute personne qui tiendra des propos ou pratiquera des gestes de nature discriminatoire, ou qui affirmera son intention de le faire, sera expulsé de l'aréna immédiatement. »

Les mots de l'annonceur résonnent fort dans les haut-parleurs de l'aréna régional de la Rivière-du-Nord. Le message a été diffusé quelques minutes avant le match. Samedi soir, les Pétroliers de Saint-Jérôme rencontraient l'Assurancia de Thetford Mines.

Il s'agissait de la première rencontre à domicile pour les joueurs de la capitale laurentienne et leurs partisans depuis que, samedi dernier, le joueur des Marquis de Jonquière Jonathan-Ismaël Diaby, sa famille et ses amis ont quitté l'aréna en plein match, pris pour cibles par des spectateurs qui ont proféré des insultes racistes.

Diaby a été visé par des insultes à caractère raciste alors qu'il se trouvait au banc des pénalités. Des partisans ont aussi importuné et insulté ses proches qui assistaient au match. 

Samedi, alors que les règlements de la ligue en matière de discrimination étaient énoncés, les quelques centaines de partisans vaquaient à leurs occupations. Il ne semblait pas avoir eu de grand bouleversement après cette affaire très médiatisée. Des enfants s'amusaient, des partisans buvaient leurs bières, l'atmosphère était tranquille.

Un changement important a toutefois été apporté : la sécurité a été renforcée. Durant les matchs, des policiers patrouillent maintenant autour des gradins. Il y a plus de gardes de sécurité, aux quatre coins de l'amphithéâtre, dont un à côté du banc des joueurs de l'équipe invitée et deux autres au banc de punitions. « C'est surtout là que ça brasse », explique Robert Chevrier, l'un des copropriétaires de l'équipe des Pétroliers.

« C'est bien que ces nouvelles mesures soient prises », estime un spectateur dans les gradins, Christian Royer, qui témoigne de certains moments où les esprits s'échauffent un peu trop durant les matchs. Pour lui, l'animosité est « normale », mais il croit que pour la plupart des partisans, « quand ça devient des propos racistes, ça ne devrait pas être accepté, ni ici ni ailleurs ». 

Les nouveaux règlements de la LNAH entrés en vigueur vendredi, au lendemain de l'incident de Saint-Jérôme, prévoient que non seulement un message de rappel de la politique de tolérance zéro pour les gestes et propos discriminatoires sera diffusé, mais que les dispositifs de sécurité des tous les arénas de la Ligue seront renforcés et tous les contrevenants expulsés. 

De plus, les officiels auront désormais pour directive d'interrompre un match jusqu'à l'expulsion d'une personne enfreignant les règles sur la discrimination.

Possibilité de « tout arrêter », dit le maire

Joint par La Presse quelques heures avant la rencontre, le maire de la ville Stéphane Maher n'a pas mâché pas ses mots quant à l'avenir pour la nouvelle équipe locale : si, durant un prochain match, une situation similaire se produit, « on arrête tout », dit-il. Les Pétroliers du Nord devront se trouver un nouvel aréna. L'équipe, qui jouait auparavant au New Hampshire, n'a établi domicile à l'aréna Rivière-du-Nord qu'en décembre dernier.

« C'est un projet-pilote. On veut faire la promotion du hockey, pas de la violence. Si ça déborde, on va compléter notre entente d'un an et on met fin à tout ça. C'est tolérance zéro. »

- Stéphane Maher, maire de Saint-Jérôme, à propros de l'avenir des Pétroliers du Nord à Saint-Jérôme

Le maire de Saint-Jérôme dit n'avoir eu vent d'aucun événement comme celui de la semaine dernière durant un match à domicile, dans les quelques semaines écoulées depuis que l'équipe est arrivée. 

Il espère qu'il ne s'agit que « d'une mauvaise histoire », mais surtout que l'opinion publique sur la communauté jérômienne ne sera pas ternie. « On passe pour des gens racistes, ce qui est faux », dit-il.

« Tout ça est très dommage [...] mais ça aura au moins permis de lancer un débat sur le comportement des gens dans les estrades. »

Des mots pour Diaby

Durant le match samedi, le joueur de l'Assurancia de Thetford Mines Christophe Losier, qui n'était pas en uniforme ce soir-là, a raconté que chacune des cinq autres équipes de la LNAH avait pris soin d'envoyer à Jonathan-Ismaël Diaby un mot de soutien dans la dernière semaine. 

« Ça n'en a pas l'air quand on est sur la glace, mais on est tous des chums. Il y a un fort sentiment de camaraderie, et quand quelque chose comme ça se passe, ça nous touche », témoigne le joueur de la ligue professionnelle. 

Toutefois, l'événement n'a pas suivi les joueurs de Thetford Mines au moment de se rendre à Saint-Jérôme. Bien qu'ils en aient parlé entre eux, une fois sur la glace, « on a des choses à faire et il faut les faire », dit Losier.

S'avouant sceptique face à ce qui a pu se passer le 23 février dernier, il raconte que toute son équipe était incrédule en apprenant la nouvelle. « On se dit que ça n'arrive pas, des choses de même », dit-il. Selon lui, le climat s'est beaucoup amélioré dans la LNAH, tant sur la glace que dans les gradins, depuis quelques années. 

Bannis à vie

« C'est moi qui étais le plus proche de l'action, j'étais très près » des personnes qui s'en sont prises aux proches de Jonathan-Ismaël Diaby, raconte le copropriétaire Robert Chevrier. Il raconte qu'il a été difficile pour lui de réprimander les perturbateurs sur le moment. « Ça arrive très vite, dit-il. On a pris le contrôle de la situation, on a réussi à séparer les gens. »

Dans un communiqué visant à « apporter certaines précisions quant aux faits véhiculés un peu partout dans les médias », les propriétaires des Pétroliers du Nord ont expliqué avoir identifié deux individus « ayant [proféré] des propos haineux » à l'aide de bandes vidéo et de la collaboration du service de sécurité et de « nombreux partisans ». 

Les deux individus seront bannis à vie de l'Aréna de la Rivière-du-Nord, a rapporté M. Chevrier. « On ne les veut pas ici, on a décidé de les réprimander et de les mettre dehors. »