La décision de l'État du Vermont d'autoriser l'agrandissement d'un dépotoir situé à 700 mètres du lac Memphrémagog, annoncée vendredi dernier en fin de journée, soulève l'indignation du député fédéral libéral de Brome-Missisquoi, Denis Paradis, qui lance un appel à la mobilisation des élus de tous les ordres de gouvernement et des groupes environnementaux pour faire échec à ce projet avant qu'il ne soit trop tard.

Malgré la vive opposition de bon nombre d'organisations et de résidants, autant du Québec que du Vermont, l'agence des ressources naturelles (ARN) de l'État a donné le feu vert, vendredi, au projet d'agrandissement de 51 acres du site d'enfouissement qui appartient à la New England Waste Services of Vermont (NEWSVT) au sud de la ville de Newport.

Cette décision fait craindre le pire aux élus de l'Estrie, d'autant que cela augmente les risques de voir le lixiviat de ce dépotoir - le jus des ordures - aboutir dans la partie américaine du lac Memphrémagog alors que les résidants de Sherbrooke et de Magog puisent leur eau potable dans la partie canadienne du lac.

L'analyste Jeff Bourdeau a fait part de la décision de l'ARN du Vermont dans un courriel laconique qu'il a envoyé « aux parties intéressées » qui s'étaient exprimées durant les audiences publiques qui ont eu lieu l'été dernier sur le bien-fondé du projet, qui permettra de plus que doubler la capacité du site d'enfouissement.

« L'agence a trouvé que la NEWSVT a démontré avec succès qu'elle respecte les critères en vertu des Règles de gestion des déchets solides du Vermont », a écrit M. Bourdeau dans son courriel auquel il a joint des documents explicatifs.

« EN COLÈRE »

« Je suis en colère », a lancé hier à La Presse le député Denis Paradis, qui a tenté en vain jusqu'ici de saisir la Commission mixte internationale (CMI), composée de six membres (trois du Canada et trois des États-Unis), de cette question.

Mais la CMI, qui a le mandat de régir l'utilisation des eaux communes aux deux pays et d'enquêter sur les problèmes transfrontaliers, au besoin, a refusé de se pencher sur cet épineux dossier au motif qu'elle n'a pas reçu le mandat de le faire de la part des gouvernements canadien et américain.

« L'agence des ressources naturelles du Vermont a émis le permis vendredi. [...] On va passer de 250 000 tonnes de déchets par année à 600 000 tonnes par année, explique M. Paradis. On va plus que doubler la capacité du site sur une période de 22 ans. »

« C'est abominable parce que toute la partie canadienne du lac, c'est de l'eau potable. Deux cent mille personnes de Sherbrooke et Magog boivent cette eau. Du côté américain, ce n'est pas de l'eau potable. Ils ont des puits. Mais pourquoi agrandir un dépotoir à côté d'un lac ? » - Denis Paradis, député fédéral de Brome-Missisquoi 

À l'heure actuelle, l'entreprise qui est propriétaire du site d'enfouissement recueille quotidiennement l'équivalent de 12 camions-citernes de lixiviat qui est traité à l'usine d'épuration de Newport avant d'être rejeté dans la partie américaine du lac Memphrémagog.

« Mais il n'y a pas de tests qui sont effectués sur ce jus de dépotoir avant d'être rejeté dans le lac alors que c'est obligatoire au Québec. Cela n'a tout simplement pas d'allure. Il y a quelques années, j'avais marché dans ce dépotoir. J'y suis retourné l'an passé, mais on m'a fait faire le tour en autobus tellement c'est gros. On dirait qu'ils essaient de battre en hauteur le mont Jay Peak [1176 mètres d'altitude] », a déploré M. Paradis.

RENFORTS ?

À la lumière de cette décision, M. Paradis entend demander à la ministre fédérale de l'Environnement Catherine McKenna et à la ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland d'intervenir auprès de leurs homologues américains. Il attend avec impatience l'arrivée en poste du ministre de l'Environnement du Québec pour intensifier la bataille qui s'annonce ardue. Le premier ministre désigné François Legault doit annoncer la composition de son cabinet jeudi.

Il compte aussi écrire au gouverneur du Vermont, le républicain Phillip Scott, et aux deux sénateurs de l'État, les démocrates Bernie Sanders et Patrick Leahy, pour les exhorter à intervenir.

Hier soir, le président de l'organisme québécois Memphrémagog Conservation inc. (MCI), Robert Benoit, s'est rendu à Newport afin d'assister à la réunion du conseil municipal de l'endroit pour plaider la cause de la protection de l'environnement.

« Notre région a perdu la première manche. Le MCI sera présent au conseil municipal de la municipalité de Newport ce soir pour la question qui demeure entière : le déversement du lixiviat dans le lac Memphrémagog », a-t-il indiqué dans un courriel à des alliés dans cette bataille.

Photo David Boily, Archives La Presse

Denis Paradis