Le tuteur de la Ville de Laval accélère afin d'installer des hauts fonctionnaires à des postes stratégiques avant l'élection d'une nouvelle administration provoquant, du coup, l'indignation de certains candidats à la mairie, a appris La Presse.

Après l'embauche récente du chef de police de Laval et l'ombudsman, le tuteur a lancé des appels à candidatures pour quatre autres postes de dirigeant au cours des dernières semaines. Il s'agit de la direction du greffe, celle du contentieux, celle des communications ainsi que le poste du principal fonctionnaire de la municipalité, le directeur général.

Comme le rappelle la description de tâches inscrite dans l'appel à candidatures, le directeur général de la Ville de Laval agit sous l'autorité du comité exécutif. Il est en quelque sorte le bras droit du maire pour l'administration de la ville. Habituellement, il y a des liens étroits entre les deux personnes afin d'arrimer la vision politique aux réalités administratives. Un changement à la mairie entraîne, en règle générale, un changement à la direction générale.

À la Commission municipale du Québec (CMQ) de qui relève l'équipe de tutelle de Laval, on soutient qu'il n'y a aucun empressement, que l'objectif est de trouver le meilleur candidat possible à la direction générale plutôt que de faire vite avant le scrutin du 3 novembre.

Embauches rapides

Or, une vérification auprès du chasseur de têtes (CFC Dolmen) embauché pour trouver celui ou celle qui prendra la responsabilité de Laval après la tourmente des dernières années laisse voir un calendrier d'embauche précis. Ainsi, les candidats intéressés seront rencontrés par le chasseur de têtes au cours des deux premières semaines d'octobre. La semaine suivante, une courte liste de candidats sera transmise au tuteur. Les entrevues et l'embauche se feront la dernière semaine d'octobre, soit quelques jours avant le scrutin. Le comité de sélection sera composé des trois délégués de tutelle.

Avant même que le directeur général soit choisi, le tuteur aura notamment embauché le greffier ainsi que l'avocat à la tête du contentieux de la Ville, la date limite des candidatures étant le 27 septembre. Le choix de ces deux hauts fonctionnaires, qui sont de proches collaborateurs, est normalement la prérogative du directeur général après un processus de sélection.

La porte-parole de la CMQ, Sylvia Morin, explique que «la volonté est de faire une sélection objective et de soustraire le choix de ces fonctionnaires à une influence de caractère politique». Elle ajoute que ça devrait permettre à l'administration municipale de «regagner une autonomie».

Déni démocratique

Des aspirants maires y voient surtout une prise de contrôle injustifiée de la part du tuteur, de la CMQ et ultimement du gouvernement. «En termes diplomatiques, c'est un dépassement de mandat. Mais c'est clairement une manoeuvre qui exprime le manque de confiance envers les futurs élus et les électeurs. C'est une prise de contrôle de Québec», s'est indigné Jean-Claude Gobé, candidat à la mairie pour Action Laval. «L'embauche du directeur du service de police m'avait fait sourciller. Mais là, on dépasse les limites», a ajouté M. Gobé.

Son adversaire Marc Demers, candidat pour le Mouvement lavallois, abonde dans le même sens. «Ce n'est pas dans l'intérêt de la population que le tuteur embauche de façon massive. C'est même tout à fait anormal. Les nominations devraient être laissées à la nouvelle administration. C'est un déni de démocratie», s'est enflammé M. Demers.

Ce dernier a fait parvenir une lettre au ministre des Affaires municipales, Sylvain Gaudreault, dès le 22 juillet dernier, se disant préoccupé de la situation qui pourrait avoir «des conséquences importantes». Marc Demers a recommandé au ministre de «limiter la sélection du personnel de direction aux cas obligatoires». La réponse du ministre s'est bornée à un accusé de réception.

Au cabinet de M. Gaudreault, on rappelait hier que «la tutelle est libre de ses actions». Du côté de la CMQ, on soulignait que le tuteur «a les coudées franches».

Comme l'a révélé La Presse mardi, la tutelle de la Ville de Laval se poursuivra après le 3 novembre malgré le choix que feront les électeurs. Le chef du Parti au service du citoyen, Robert Bordeleau, s'accommode fort bien de cette éventualité. «Je vois ça d'un bon oeil parce que ça va permettre une transition en douceur», a-t-il commenté.