Les constats d'infraction remis aux piétons ont explosé au cours des trois dernières années dans la grande région de Montréal. C'est une mesure destinée à améliorer le bilan routier, disent de concert les différents corps policiers. Toutefois, selon une compilation effectuée par La Presse grâce à la loi sur l'accès à l'information, les villes où les contrôles policiers ont augmenté n'ont pas le meilleur bilan. Au contraire.

1. Montréal, capitale de la contravention

Montréal est la ville où les policiers ont appliqué avec le plus de zèle le Code de la sécurité routière. Près de 19 000 constats d'infraction ont été remis en 2012, une augmentation de 22% sur trois ans. Toutefois, le bilan routier ne s'est que très peu amélioré: 18 morts ont été répertoriés en 2010, même statistiques trois ans plus tard; 125 blessés graves en 2010, 15 de moins en 2012. Le Service de police de la Ville de Montréal justifie l'augmentation des constats d'infraction remis aux piétons par son désir de voir le bilan routier s'améliorer. Mais est-ce le cas? Des associations comme SOS Ticket en doutent.

2. Hausse vertigineuse à Laval

Dans la première banlieue nord de Montréal, la hausse du nombre de constats d'infraction remis aux piétons entre 2010 et 2012 est vertigineuse: elle frôle les 700%. Mais, tout comme à Montréal, le bilan routier ne s'est pas amélioré pour autant. Dix-sept piétons ont été grièvement blessés en 2010 et autant l'an dernier.

3. «Bon pied bon oeil» à Longueuil

À Longueuil, la hausse des constats d'infraction remis aux piétons entre 2010 et 2012 n'est que de 66%. La Ville participe depuis peu à un programme de sensibilisation mis en place par la Société de l'assurance automobile du Québec et appelé Bon pied bon oeil. Les policiers mènent deux campagnes de sensibilisation par année, suivies par un resserrement des contrôles durant deux semaines. Malgré tout, le bilan routier demeure sensiblement le même depuis trois ans.

4. Longueuil et Sherbrooke, championnes en leur domaine

Lorsqu'on compare le nombre de constats d'infraction remis aux citoyens de Longueuil et de Sherbrooke, ainsi que leur bilan routier respectif, les deux municipalités sont championnes en leur domaine. Le bilan de Sherbrooke est exemplaire: un mort annuellement de 2010 à 2012, quatre blessés graves chaque année sur la même période de temps. Nombre de constats d'infraction remis l'an dernier: 12. À Longueuil, le nombre de morts fluctue entre un et deux par année, mais le nombre de blessés graves se situe en moyenne à neuf par année. Nombre de constats d'infraction remis à Longueuil l'an dernier: 626.

5. Un peu de constance, réclame SOS Ticket

Augmenter le nombre de constats d'infraction aux piétons améliore-t-il le bilan routier? Non, répond Me Éric Lamontagne, de SOS Ticket. «La meilleure solution est la constance. Soit on applique les règlements à la lettre, soit on en fait une application intelligente. Avec les chiffres révélés aujourd'hui, vous démontrez que même si on beurre la population de tickets, ça ne va pas changer la situation», dit-il. SOS Ticket croit que les policiers ont un rôle à jouer pour améliorer le bilan routier, mais est sceptique sur les stratégies adoptées jusqu'ici. «N'arrivez pas comme un épouvantail à moineaux deux fois par année, pendant les campagnes de sensibilisation», ajoute M. Lamontagne.

6. Policiers sur la corde raide

«J'admire beaucoup le travail des policiers. Depuis que je préside la Table québécoise de la sécurité routière, je remarque qu'ils ont une mission impossible. Ils sont toujours sur la corde raide», explique à La Presse le président de la Table et professeur à l'Université Laval, Jean-Marie De Koninck. Dans son dernier rapport, remis au gouvernement en 2009, la Table recommandait d'inclure la notion de piéton dans le Code de la sécurité routière, ce qui n'est toujours pas fait. Aussi, il faut augmenter les contrôles policiers et les campagnes de sensibilisation, disait-on à l'époque. «Je trouve quand même que ça évolue, ajoute M. De Koninck. Le nombre de morts diminue, c'est important.»

7. Les nouvelles solutions du Vieux Continent

En Europe, certaines rues ont été identifiées comme des zones de rencontres entre cyclistes, piétons et automobilistes. Dans ces espaces partagés, qui sont nombreux dans plusieurs pays, notamment en France, en Allemagne et en Belgique, toute forme de signalisation est enlevée. Trois règles sont toutefois appliquées à la lettre: les piétons ont la priorité, ensuite viennent les cyclistes, puis les automobilistes. La vitesse maximale est fixée à 20 km/h. Ce genre de concept peut-il être réalisé au Québec? Le président de la Table québécoise de la sécurité routière, Jean-Marie De Koninck, l'espère. Cette mesure sera inscrite dans son prochain rapport, qu'il remettra cet automne à Québec.