La tension est vive à l'hôpital Louis-H. Lafontaine. Les unités d'hébergement débordent, les patients sont aux prises avec des problèmes complexes, si bien que l'intensité des actes de violence a augmenté au cours des derniers mois.

La semaine dernière, un patient aux urgences s'est enfermé avec une autre bénéficiaire dans le fumoir et l'a rouée de coups de poing. Un code blanc a été déclenché. Le personnel s'est rué vers le fumoir pour venir en aide à la victime.

Les cas de violence entre patients augmentent. Ceux envers des préposés aux bénéficiaires et des infirmières aussi. Au cours de la dernière année, entre 15 et 20 événements majeurs ont été recensés et ont fait l'objet d'une enquête, selon la direction de l'Institut universitaire en santé mentale de Montréal, nouvelle appellation de l'hôpital Louis-H. Lafontaine.

Sur les étages, les unités de soins sont surpeuplées. Les patients sont mélangés sans égard à leur âge et à leurs problèmes de santé. Plusieurs ont des troubles psychotiques auxquels s'ajoutent des problèmes de consommation.

La violence et la peur

Les conflits éclatent. Les employés travaillent dans la peur. Certains se sont fait mordre ou griffer par des patients. D'autres se sont fait frapper à coups de poing au visage. Récemment, un employé a été poignardé avec un couteau de cuisine. Quant à l'intimidation et aux menaces verbales, elles sont omniprésentes.

Les employés sont à bout. Ils réclament d'urgence des mesures qui ne viennent pas, dénoncent les syndicats.

«L'intensité est de plus en plus forte, c'est difficile d'intervenir. La situation est tellement imprévisible qu'on ne voit plus les signes avant-coureurs», affirme Éric Clermont, vice-président du Syndicat des travailleurs de Louis-H. Lafontaine, qui représente notamment les préposés aux bénéficiaires.

La clientèle a changé. Les cas sont complexes. L'hôpital reçoit des patients judiciarisés qui autrefois auraient été envoyés à l'Institut Pinel.

Près de la moitié des patients qui se présentent aux urgences sont ensuite hospitalisés. Les unités d'hébergement ne suffisent pas. Elles devraient compter chacune 24 patients. On en trouve fréquemment 28 ou 29, déplorent les employés.

«L'idéal serait d'ouvrir une unité de débordement pour faire baisser cette intensité», croit M. Clermont. Mais la direction allègue que ça coûte trop cher, ajoute-t-il.

Le portrait est similaire parmi le personnel infirmier et les inhalothérapeutes. Ces unités surpeuplées «rendent le travail très difficile». «Il y a un état de crise chez nos patients, on fait face à plus de dangerosité», affirme Denis Cloutier, président du syndicat de l'Alliance interprofessionnelle de Montréal à l'hôpital Louis-H. Lafontaine. «Avant, on avait une meilleure écoute de la part de la direction», ajoute-t-il.

Les syndicats demandent au minimum l'implantation de boutons panique. Les unités n'ont pas été conçues pour l'hébergement d'une clientèle difficile. Elles comptent des recoins où les employés peuvent être pris en souricière. La demande, appuyée d'une pétition, traîne en longueur depuis l'été dernier. La direction promet cette mesure pour bientôt, mais cherche encore la technologie la plus adéquate.

Elle affirme pourtant prendre la situation très au sérieux. «On ne banalise pas le sujet, on s'en préoccupe», affirme Linda Fortier, codirectrice des services cliniques. Des mesures «préventives» et «curatives» sont mises de l'avant pour prévenir la violence. La formation Oméga, pour apprendre à gérer les crises de violence, est donnée à tous les employés.

Plan de match

Les façons de faire sont révisées et analysées. Deux fois par jour, les équipes sur les unités préparent ainsi un «plan de match» en fonction de l'évaluation de dangerosité qu'ils font des patients, explique aussi Mme Fortier.

«On travaille à ne pas banaliser les gestes d'agression et la violence», ajoute-t-elle en incitant les employés à signaler tous les événements, même l'intimidation. Bien souvent, les employés craignent de le faire. «C'est une minorité de patients atteints de problèmes de santé mentale qui sont violents», rappelle toutefois Mme Fortier en citant des études sur le sujet.