L'évaluation environnementale du projet d'oléoduc d'Enbridge ne sera probablement pas faite par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE). C'est ce que laisse entendre le ministre de l'Environnement, Yves-François Blanchet.

«Selon les avis que j'ai, ce n'est pas le type de projet qui pourrait être soumis au BAPE parce que l'oléoduc existe déjà. Ce qui est cependant essentiel, c'est qu'on se donne un mécanisme de validation, de vérification et peut-être même de négation de la possibilité. Et que ce mécanisme ait le même poids, la même portée et la même crédibilité. Mais ça pourrait ne pas être le BAPE, parce qu'il pourrait ne pas avoir compétence», a-t-il déclaré mercredi à la sortie du conseil des ministres.

La société Enbridge veut inverser le flux de son oléoduc pour acheminer du pétrole albertain vers les raffineries de Montréal-Est et de Lévis, plu sprès du marché du nord-est des États-Unis. Elle a officiellement déposé sa demande il y a deux semaines.

Un nouvel organisme pourrait se charger de l'évaluation, indique le ministre Blanchet. «À la limite, on créera ce dont on a besoin. Le besoin créera l'organe. Ce que les gens doivent comprendre, c'est que le fait que possiblement, vraisemblablement, le BAPE n'ait pas compétence ne signifie pas qu'on ne fera pas l'exercice. On va faire l'exercice, et on va se donner les outils pour le faire», a-t-il insisté.

Son prédécesseur, Daniel Breton, avait indiqué à la mi-novembre qu'il cherchait à bloquer le projet, avant de corriger le tir quelques heures plus tard.

La première ministre Pauline Marois et son homologue albertain, Alison Redford, ont depuis formé un groupe de travail pour échanger des données environnementales, économiques et techniques sur les projets pétroliers comme celui d'Enbridge. Ce comité donnera à Québec une «vision» pour mieux orienter son évaluation environnementale, croit M. Blanchet.

Le ministre fédéral des Ressources naturelles, Joe Oliver, a déjà indiqué que l'évaluation environnementale relevait d'Ottawa. Il ne se sentirait pas lié par l'évaluation de Québec.

«Je me demande jusqu'à quel point le gouvernement fédéral peut s'amuser à se foutre de ce qu'on pense au Québec, a rétorqué M. Blanchet. Le cas échéant, ils vont être obligés d'en prendre acte et de vivre avec ce qu'on va vouloir mettre de l'avant. Maintenant, il y a d'autres manières d'intervenir dans des dossiers que de simplement revendiquer des compétences.»

Au BAPE de faire le travail, dit Greenpeace

Greenpeace croit que l'évaluation du projet devrait être confiée au BAPE. «Le Québec ne doit pas se défiler. C'est le ministre qui détermine le mandat du BAPE. Il pourrait y avoir un mandat partagé avec l'Office national de l'énergie», dit le responsable de la campagne climat et énergie de Greenpeace, Patrick Bonin.

Il estime que la loi permet au BAPE «d'enquêter sur toute question relative à la qualité de l'environnement que lui soumet le ministre et de faire rapport à ce dernier de ses constatations ainsi que de l'analyse qu'il en a faite».

Si le ministre Blanchet devait choisir un autre mécanisme, il faudrait y prévoir une participation du public, demande M. Bonin. «C'est un aspect essentiel. On ne peut pas se fier uniquement à ce que dit l'industrie. On l'a vu dans le dossier du gaz de schiste.»

Et le temps presse, ajoute-t-il. «On va être mis devant le fait accompli d'une décision fédérale. Enbridge prévoit commencer la construction au quatrième trimestre de 2013.»