Les trois officiers de la Sûreté du Québec soupçonnés d'abus de confiance auraient utilisé des fonds secrets censés servir à payer des délateurs afin de favoriser des départs à la retraite et de payer un consultant qui, normalement, n'aurait pu obtenir de mandat de la SQ.

SQ: trois anciens dirigeants visés par une enquête

En point de presse ce matin, le ministre de la Sécurité publique, Stéphane Bergeron, a été forcé de réagir au reportage de La Presse qui a révélé que Richard Deschênes, ancien directeur général de la SQ, son adjoint aux enquêtes criminelles, Jean Audette, et un autre officier à la retraite, Steven Chabot, faisaient l'objet d'une enquête ministérielle pour de possibles actes criminels.

Les deux officiers de la SQ ont été suspendus avec solde - le troisième est à la retraite - le temps qu'on fasse la lumière sur les faits. Ils sont soupçonnés d'abus de confiance, une infraction prévue à l'article 122 du Code criminel.

«Un haut dirigeant de la SQ a autorisé le recours à des fonds de dépenses secrètes pour autoriser le coût d'un départ. Or, aucune prime de départ ne peut être accordée par la SQ à l'un de ses employés. Cela pourrait constituer un abus de confiance. Ces dépenses secrètes doivent exclusivement servir à des opérations», a expliqué le ministre Bergeron, qui a refusé de répondre aux questions après son point de presse. Ces fonds servent à payer des délateurs et des experts dont le mandat ne peut être rendu public ainsi qu'à faciliter des opérations policières, dans des transactions de drogue, par exemple.

Les fonds auraient aussi servi, illégalement, à payer un consultant professionnel qui avait des problèmes avec Revenu Québec et ne pouvait par conséquent obtenir de mandat de la Sûreté du Québec. Encore là, on parle d'abus de confiance, mais cette fois des accusations de fraude pourraient s'ajouter.

«Les faits allégués sont extrêmement troublants. Je suis conscient de la commotion que provoque la situation actuelle. Les dispositions prises démontrent que personne n'est au-dessus des lois» a insisté le ministre Bergeron.

Le nouveau directeur de la SQ, Mario Laprise, a eu accès à ces «informations sensibles touchant des hauts gradés de la SQ» dans le cadre de sa révision budgétaire - le gouvernement demande à la SQ des compressions de plus de 20 millions de dollars. Conformément aux directives, le ministre a alors été saisi du problème et, devant les allégations criminelles, a ordonné que le sous-ministre mette en place un «groupe spécial d'enquêteur civils», dont des policiers à la retraite assermentés comme constables spéciaux. Ils remettront leur rapport au directeur des poursuites criminelles, qui décidera si des poursuites doivent être intentées.

Selon le député libéral Robert Poëti, «on vient ébranler un organisme», mais il faut reconnaître que le ministre a vite clarifié la situation. L'utilisation de ces fonds est rigoureusement encadrée. «Si on a utilisé ces fonds de cette manière, c'est inacceptable, je suis d'accord avec le ministre», a dit M. Poëti. Il est rassurant que les faits soient sortis publiquement, qu'une enquête ait été ouverte. «C'est ce qui me satisfait; cela ne semble pas être une erreur administrative.» Les policiers en cause connaissent très bien le cadre réglementaire dans lequel ces fonds secrets peuvent être utilisés.