Le premier ministre Jean Charest ne croit pas que les interventions corsées du chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, aideront le Québec à obtenir plus rapidement du gouvernement fédéral les sommes qui lui reviennent.

Les récentes demandes financières formulées par M. Duceppe ne s'expliquent que par la forte probabilité que des élections fédérales soient déclenchées prochainement, a déclaré M. Charest en entrevue à La Presse Canadienne à Davos, en Suisse, où il participe à la 41e réunion annuelle du Forum économique mondial.

Mercredi, le chef bloquiste a réclamé que, dans son prochain budget, le gouvernement de Stephen Harper verse pas moins de 5 milliards $ à Québec, dont 2,2 milliards $ pour l'harmonisation de la TVQ et de la TPS, 1,5 milliard $ au chapitre de la péréquation ainsi que 800 millions $ pour l'éducation et les services sociaux.

Le premier ministre a assuré que son gouvernement travaillait «chaque jour pour régler ces dossiers-là». Il faut toutefois noter que plusieurs d'entre eux traînent dans le décor depuis plusieurs années.

«C'est de la politique fédérale à la veille de ce qui pourrait être une élection fédérale, a souligné Jean Charest. C'est ce que je vois quand j'entends ces déclarations-là. Et je pense que les gens font la part des choses. On défend très bien les intérêts du Québec et on le fait avec des résultats concrets.»

Le chef libéral a même profité de l'occasion pour défendre son bilan en matière de relations fédérales-provinciales, soutenant que les transferts destinés au Québec ont augmenté «de plus de 70%» sous son gouvernement, alors qu'ils avaient diminué pendant le règne du Parti québécois.

«C'est clair comme ça: quand les péquistes sont aux affaires, on en souffre et quand on est là, on fait des gains, a-t-il prétendu. C'est ça le fond de l'histoire.»

Il convient cependant de rappeler qu'au milieu des années 1990, les libéraux de Jean Chrétien avaient sabré unilatéralement dans les transferts aux provinces afin de réduire l'imposant déficit fédéral.

Harmonisation

Concernant l'épineux dossier de l'harmonisation des taxes, Jean Charest a confirmé qu'il n'attendait rien d'Ottawa dans le prochain budget fédéral, qui sera déposé dans quelques semaines.

«Les discussions se poursuivent sur une base continuelle, ça avance», a-t-il indiqué.

Les deux gouvernements semblent pourtant campés sur leurs positions. Le gouvernement Harper exige que la TPS et la TVQ soient fusionnées en une seule taxe, comme c'est le cas en Ontario, en Colombie-Britannique et dans les Maritimes, ce que Québec refuse.

À preuve, M. Charest a parlé jeudi de «changements pas très importants sur le fond», voire de simples «ajustements», et non d'une fusion.

«Je pense que la job (d'harmonisation) est pas mal faite déjà», a-t-il insisté.

De son côté, Ottawa se montre réticent à l'idée que le gouvernement du Québec s'occupe du prélèvement de la taxe fusionnée, comme il le fait déjà pour la TPS et la TVQ.

«Ça, ça ne changera pas, a martelé le premier ministre. Nous autres, on va continuer à administrer la taxe. On le fait très bien et ça fonctionne bien, à l'avantage du fédéral et du Québec.»

Jean Charest se dit conscient du risque politique que représente toujours pour Ottawa le versement d'une somme importante au Québec. Le tout dans un contexte où l'harmonisation des taxes a été plutôt mal accueillie en Ontario et en Colombie-Britannique, où les consommateurs en ont fait les frais.

«Le gouvernement fédéral a à gérer en simultané la mise en oeuvre d'une entente avec l'Ontario et la Colombie-Britannique, a-t-il relevé. Ça fait partie du décor. Il tient compte des sensibilités et de l'impact que ça peut avoir ailleurs, mais en même temps, il y a une résolution votée unanimement à la Chambre des communes (en faveur de l'harmonisation de la TVQ et de la TPS).»

Le ministre des Finances, Raymond Bachand, a promis de faire de l'harmonisation un enjeu de la prochaine campagne électorale fédérale. Jeudi, M. Charest n'a pas voulu dire s'il entendait interpeller les partis fédéraux sur d'autres questions.

«On va défendre les intérêts du Québec dans les dossiers qui nous concernent (...), mais en même temps, on ne dira pas aux gens pour qui voter», a-t-il dit.