Figure de proue du gouvernement Harper au Québec sur la question de la loi et l'ordre, le sénateur conservateur Pierre-Hugues Boisvenu a réclamé des milliers de dollars en allocation de logement même s'il vit en permanence dans la région de la capitale nationale depuis février 2012.

M. Boisvenu, qui accompagne souvent le ministre de la Justice Rob Nicholson pour annoncer de nouvelles mesures pour lutter contre la criminalité, continue de déclarer aux autorités du Sénat que son condo à Sherbrooke est sa résidence principale, même s'il y met les pieds qu'une ou deux fois par mois.

M. Boisvenu s'est séparé de son épouse, Diane Carlos, en février 2012, mais le couple n'a pas encore conclu un accord de séparation des biens. Mme Carlos habite le condo du couple en permanence.

En continuant de déclarer que son condo de Sherbrooke, qui est libre d'hypothèques, est toujours sa résidence principale, M. Boisvenu a pu réclamer plus de 20 000$ en frais de subsistance au cours des 12 derniers mois.

Il louait un appartement à Ottawa jusqu'en septembre 2012, mais il a depuis déménagé à Gatineau, où le coût des loyers est moins élevé.

Un sénateur peut réclamer des allocations de logement d'environ 22 000$ par année si sa résidence principale se trouve à plus de 100 kilomètres de la colline parlementaire.

Rien à se reprocher

Interrogé hier à ce sujet, M. Boisvenu a affirmé n'avoir rien à se reprocher. «Absolument, j'ai droit à ces allocations. J'engage les frais», a-t-il affirmé hier.

«Ma conjointe et moi sommes en instance de séparation. Mais à chaque deux semaines, je suis chez elle et on rencontre un négociateur. Alors c'est toujours mon adresse permanente sur le plan légal jusqu'au moment donné où il y a une annonce du tribunal pour la séparation. Donc, c'est une maison qui appartient à ma conjointe et moi-même», a-t-il dit.

«Je rencontre mon fils et mes petits-enfants. Je demeure là aux deux semaines selon les visites que j'ai à faire chez l'avocate qui est conciliatrice. Quand je ne suis pas à Sherbrooke, c'est parce que je fais des activités politiques. Ce week-end, par exemple, je suis à Drummondville et à Trois-Rivières», a-t-il ajouté.

«Au sens de la loi, tant et aussi longtemps que le divorce ne sera pas prononcé par un juge, ma résidence principale est à Sherbrooke. J'aurai à décider après si je m'achète une propriété à Sherbrooke ou si je loue une propriété à Sherbrooke. C'est mon intention, d'ailleurs. Ma famille, mes enfants et mes petits-enfants sont encore là et je n'ai pas l'intention de me séparer d'eux.»

Au bureau du premier ministre, on soutient que M. Boisvenu respecte les règles du Sénat en étant propriétaire d'une résidence à Sherbrooke même s'il s'y rend seulement deux fois par mois.

«Il est propriétaire d'une maison à Sherbrooke où demeure sa conjointe. Ils sont en instance de divorce. Il retourne à Sherbrooke toutes les deux fins de semaine et reste dans cette maison», a affirmé le bureau du premier ministre dans un courriel.

Le président de la Régie interne du Sénat, le sénateur conservateur David Tkachuk, a affirmé que le cas de M. Boisvenu a été examiné et qu'il n'y a «aucune inquiétude».

Relation amoureuse

Selon nos informations, M. Boisvenu a par ailleurs entretenu pendant plusieurs mois une relation amoureuse avec son adjointe de direction Isabelle Lapointe, ce qui est contraire aux règles d'embauche du Sénat. Celles-ci stipulent, entre autres, que les embauches doivent «être exemptes de tout favoritisme personnel ou familial». Cette règle s'applique même si un couple se forme après l'embauche. Dans les années 90, l'ancien député bloquiste Gilles Rocheleau avait été contraint de remercier une employée de son bureau parlementaire après l'avoir épousée, car cela était contraire aux règles d'embauche.

Selon nos informations, M. Boisvenu et Mme Lapointe ont profité des congés parlementaires du Sénat pour faire quelques voyages ensemble, notamment aux États-Unis.

M. Boisvenu et Mme Lapointe arrivent encore fréquemment dans la même voiture au bureau le matin sur la colline parlementaire, selon des employés qui ont requis l'anonymat.

«Ce qui regarde ma vie personnelle ne regarde que moi-même. J'espère que l'on va respecter cela», a dit M. Boisvenu à ce sujet.

Trois sénateurs - les conservateurs Mike Duffy et Patrick Brazeau, et le libéral Mac Harb - font l'objet d'une enquête de la firme Cabinet Deloitte pour avoir réclamé des milliers de dollars en frais de logement alors que leur résidence principale se trouve dans la capitale nationale.

Devant la controverse, le sénateur conservateur Mike Duffy, qui représente l'Île-du-Prince-Édouard au Sénat et qui déclarait son chalet de Cavendish comme résidence principale même s'il possède une maison en banlieue d'Ottawa depuis une dizaine d'années, a annoncé qu'il rembourserait les frais de logement qu'il a empochés. La somme pourrait atteindre les 90 000$.