Puisqu'il craint une escalade des tensions au pays, Stephen Harper prend en main le dossier complexe des traités et des revendications des communautés autochtones et s'engage à rencontrer de nouveau le chef de l'Assemblée des Premières Nations (APN), Shawn Atleo, d'ici quelques semaines pour établir «les prochaines étapes à franchir».

Le dossier autochtone, propulsé au premier plan de l'actualité au pays au cours des dernières semaines par le mouvement Idle No More, la grève de la faim menée par la chef d'Attawapiskat Theresa Spence depuis un mois et une décision de la Cour fédérale favorable aux Métis, devient donc une priorité au plus haut échelon de l'appareil gouvernemental à Ottawa.

Au terme d'une rencontre de près de quatre heures avec le chef Shawn Atleo et une vingtaine de leaders autochtones, M. Harper a dit être «résolu à maintenir un dialogue permanent» au sujet des enjeux liés aux autochtones et à «franchir des étapes réalisables qui donneront de meilleurs résultats pour les communautés des Premières Nations».

Pendant la rencontre, quelque 3000 autochtones ont manifesté devant la colline parlementaire et des manifestations organisées par le mouvement Idle No More ont eu lieu dans des dizaines de villes au pays, parmi lesquelles Montréal.

M. Harper a finalement assisté à toute la rencontre avec les leaders autochtones, alors qu'il ne prévoyait être présent qu'une heure en tout. Cette décision a permis un «rapprochement», selon un chef présent à la rencontre, et donné lieu à des échanges «cordiaux et respectueux».

«Le premier ministre a accepté d'entreprendre des dialogues de haut niveau au sujet des relations découlant des traités et des revendications globales. Le premier ministre a reconnu le besoin d'accroître la supervision du cabinet du premier ministre et du Bureau du Conseil privé relativement aux dossiers touchant les autochtones», a fait savoir le bureau du premier ministre au terme de la rencontre.

Selon des informations obtenues par La Presse, le premier ministre s'est aussi montré ouvert à l'idée d'entreprendre des discussions au sujet d'une formule de partage des revenus provenant de l'exploitation des ressources naturelles - une des demandes formulées par le chef Shawn Atleo en conférence de presse jeudi. Mais M. Harper a fait valoir à ses interlocuteurs que la gestion des ressources naturelles relève des provinces et que celles-ci doivent avoir leur mot à dire dans ces discussions.

«Nous avons réussi à faire avancer un peu les choses aujourd'hui», a déclaré en soirée le chef Shawn Atleo dans un communiqué de presse. «Le premier ministre a écouté respectueusement les chefs et a répondu à toutes les questions qu'ils ont soulevées. Et pour la première fois, il a donné un mandat clair pour un dialogue de haut niveau sur la mise en oeuvre des traités et sur les revendications globales.»

La rencontre de vendredi s'est déroulée malgré la décision de certains leaders autochtones du Manitoba et de l'Ontario de la boycotter, en guise de solidarité avec la chef Theresa Spence, parce que le gouverneur général David Johnston n'y participait pas.

Selon eux, la présence du gouverneur général était essentielle parce qu'il représente les intérêts de la Couronne, signataire des traités avec les peuples autochtones au XVIIIe siècle. Le gouverneur général a organisé une rencontre protocolaire avec des dirigeants des Premières Nations, vendredi en soirée, et Mme Spence a finalement décidé de s'y rendre. Malgré tout, elle compte poursuivre sa diète liquide, car elle se dit insatisfaite des résultats de la rencontre.

M. Harper a donné suite à certaines des demandes de l'APN. Mais il a écarté l'idée d'abolir des clauses des projets de loi «mammouths» C-38 et C-45 visant à mettre en oeuvre le dernier budget fédéral, notamment celles touchant la protection des eaux navigables.

En point de presse vendredi soir, le ministre des Affaires indiennes, John Duncan, a indiqué qu'il n'était pas en mesure de dire si les résultats permettront de satisfaire le mouvement Idle No More, qui prend de l'ampleur au pays.

Des leaders autochtones de l'Ontario ont menacé vendredi de bloquer des routes et des voies ferroviaires la semaine prochaine s'ils n'obtenaient pas des concessions du gouvernement fédéral.