L'ex-employé d'un groupe écologiste très critique à l'égard d'un projet d'oléoduc pour les sables bitumineux soutient que le cabinet du premier ministre Stephen Harper a menacé l'agence de financement de l'organisme si elle ne leur retirait pas les fonds attribués. Un porte-parole du premier ministre a toutefois nié ces allégations.

Dans une déclaration sous serment transmise à La Presse Canadienne, Andrew Frank rapporte des propos de son superviseur chez ForestEthics, selon qui un représentant du cabinet de M. Harper avait qualifié leur organisation «d'ennemi de l'État».

Le document décrit comment les employés de ForestEthics ont été avisés que leur poste était menacé. Ce responsable du cabinet du premier ministre aurait ainsi déclaré à l'agence Tides Canada - qui finance ForestEthics - qu'à moins de retirer le soutien fourni au groupe écologiste, tous les projets de l'agence seraient abolis.

Les fonds de Tides Canada proviennent surtout de fondations privées. L'agence soutient financièrement un large éventail d'organismes de bienfaisance à vocations sociale et écologique - comme les Grands Frères et Grandes Soeurs, ou le Fonds mondial pour la nature. Tides Canada est également un partenaire de plusieurs grandes entreprises et d'agences du gouvernement fédéral.

Andrew Frank a été congédié lundi de son poste de conseiller en communications chez ForestEthics, en raison de ses intentions de révéler publiquement l'affaire.

Sa déclaration sous serment fait allusion à des conversations qu'auraient eues, au début du mois de janvier, des employés de ForestEthics et de Tides Canada.

Andrew Frank affirme que des membres du personnel de ForestEthics ont été convoqués à une rencontre, le 5 janvier. Le superviseur de l'organisation, Pierre Iachetti, leur a alors révélé que le président-directeur général de Tides Canada, Ross McMillan, s'était fait imposer un délai pour faire cesser le versement des fonds attribués à ForestEthics, sans quoi le gouvernement abolirait tous les projets de bienfaisance de Tides.

ForestEthics fait partie des organisations ayant incité des compagnies américaines à éviter l'utilisation de pétrole issu des sables bitumineux pour leurs opérations de transport. Au total, 14 compagnies et une municipalité ont pris des engagements, dont la teneur varie d'un cas à l'autre.

Le groupe a également sollicité des citoyens pour qu'ils participent à une consultation de l'Office national de l'énergie sur le projet d'oléoduc Northern Gateway de la société Enbridge Inc. L'oléoduc relierait l'Alberta et la ville de Kitimat, en Colombie-Britannique. Plus de 4000 personnes ont demandé à s'exprimer dans le cadre de cette consultation publique.

Selon Andrew Frank, M. Iachetti tentait de trouver de nouvelles sources de financement pour assurer la survie de ForestEthics.

«L'hypothèse était que M. McMillan avait déjà décidé de faire disparaître les efforts de ForestEthics pour critiquer publiquement le projet Northern Gateway d'Enbridge dans le but de préserver les autres projets de Tides», indique-t-on dans la déclaration.

Le lendemain, l'ex-employé de ForestEthics souligne avoir entendu la même version de cette histoire par Merran Smith, la directrice des initiatives énergétiques chez Tides.

«Elle a dit que quelqu'un du bureau du premier ministre avait décrit ForestEthics comme un «ennemi du gouvernement du Canada» et «un ennemi de la population du Canada', en plus d'avoir menacé l'avenir de Tides si ForestEthics ne disparaissait pas ou n'était pas retiré de ses projets», ajoute-t-on dans le document.

Le porte-parole du bureau du premier ministre, Andrew MacDougall, a soutenu qu'aucune de ces déclarations attribuées au gouvernement n'était fondée.

«Le bureau du premier ministre nie avoir dit l'une ou l'autre de ces allégations, ou quoi que ce soit étant mis en évidence dans cette déclaration», a-t-il plaidé.

Il a refusé de préciser si Tides Canada ou ForestEthics avaient été visés par le gouvernement.

Tides Canada a fait savoir qu'aucun membre de son organisation n'accorderait d'entrevues. Dans un communiqué, M. McMillan a indiqué qu'il ne commenterait pas la déclaration sous serment de M. Frank, sauf pour dire que «son compte rendu de nos conversations avec le gouvernement est erroné».

Le groupe ForestEthics profite du statut d'organisme de bienfaisance au pays par l'entremise de Tides Canada. Celui-ci fournit également un soutien administratif et un certain niveau de financement.