Ottawa ira en appel de la décision de la Cour fédérale donnant raison à Jean Chrétien et à Jean Pelletier qui contestaient les conclusions du commissaire John Gomery dans son rapport sur le scandale des commandites.

Dans des documents rendus publics vendredi - et approuvés par le sous-ministre John Sims, le plus important fonctionnaire du ministère de la Justice - les procureurs du gouvernement ont argué que le juge Max Teitelbaum, de la Cour fédérale, a erré en concluant, en juin dernier, que le juge Gomery avait fait preuve de parti pris contre MM. Chrétien et Pelletier.«Nous sommes extrêmement déçus», a déclaré Peter Doody, l'un des avocats de l'ancien premier ministre du Canada.

«Nous pensions que la décision (d'origine) était non seulement convenable aux termes de la loi mais également sensée... J'aurais pensé qu'ils voulaient mettre cette histoire derrière eux, mais de toute évidence, ce n'est pas le cas.»

Dans les deux cas, les avis ont été livrés tard vendredi, à Montréal, quelque 90 minutes avant la fin de l'échéance pour porter la décision en appel.

Le ministère de la Justice a transféré les demandes d'interviews au Bureau du Conseil privé, mais la porte-parole Myriam Massabki n'était pas en mesure d'expliquer pourquoi le gouvernement a attendu si longtemps avant d'interjeter appel d'une décision rendue il y a trois mois.

Par ailleurs, ce délai signifie que les avis d'appels ont été déposés au coeur de la campagne électorale, mais il faudra sans doute attendre plusieurs mois avant que la Cour fédérale d'appel ne se penche sur l'affaire.

Dans son rapport final, il y a plus de deux ans, M. Gomery avait conclu que rien ne prouvait que MM. Chrétien et Pelletier aient «personnellement et ouvertement mal agi».

Mais le juge à la retraite les avait accusés d'avoir commis des «omissions» dans leur supervision du programme des commandites, les rendant ainsi politiquement responsables du programme qui a permis de verser des millions de dollars des contribuables dans les goussets d'agences de publicités et de relations publiques ayant d'étroits liens avec le Parti libéral.

Dès la publication du rapport du commissaire Gomery en novembre 2005, Jean Chrétien et Jean Pelletier avaient annoncé leur intention de contester les conclusions du rapport à leur endroit.

En juin, le juge Teitelbaum, leur a donné raison dans deux décisions distinctes.

Le juge a écarté une conclusion qui indiquait que les deux hommes devaient être blâmés pour des omissions dans la surveillance du programme de commandites et qu'ils étaient responsables de sa mauvaise gestion.

Le juge Teitelbaum affirmait que les commentaires faits par le commissaire dénotaient qu'il avait préjugé de certaines questions et qu'il n'avait pas été impartial.

Habituellement loquace, M. Gomery s'est dit satisfait de la décision du gouvernement fédéral d'aller en appel du verdict du juge Teitelbaum, mais il n'a pas voulu en dire davantage.

«Je crois que ce cas méritait un deuxième regard, et je pense que je vais me limiter à ce commentaire. Si j'en dis plus, je pourrais m'aventurer en territoire dangereux.»