Des élèves francophones qui vivent à Kuujjuaq sont privés d'école, puisqu'ils sont incapables d'obtenir une éducation en français.

Le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport verse pourtant une allocation à la Commission scolaire Kativik, au Nunavik, afin d'offrir un service de tutorat aux élèves francophones.

Selon les parents concernés, cette subvention s'élève à 14 500$ par enfant annuellement.

La Commission scolaire Kativik a toutefois revu sa formule au cours de la dernière année. Auparavant, les enfants fréquentaient l'école du village le matin et bénéficiaient du tutorat l'après-midi.

Désormais, les parents doivent faire un choix. L'enfant peut d'abord fréquenter l'école à temps plein et travailler avec un tuteur le soir et le samedi, à raison de cinq heures par semaines au primaire. Sinon, l'enfant peut être complètement retiré de l'école: le parent fait alors l'école à la maison ou embauche lui-même un tuteur privé.

«Le tutorat que propose la commission scolaire n'est pas suffisant pour l'apprentissage des enfants», déplore Mylène Larivière, mère de deux enfants de 1re et de 4e année, qui vit au Nunavik depuis 11 ans.

Comme seulement une quinzaine d'enfants sont visés par cette décision, il est impossible de recruter et de payer un tuteur qui vient du Sud pour chacun d'eux, font valoir les parents.

Des solutions avancées

Ces derniers ont proposé à la commission scolaire de louer un local à l'aréna et de payer deux enseignantes francophones déjà arrivées du Sud grâce à la somme totale de la subvention versée par le Ministère.

Ils ont essuyé un refus. «La commission scolaire dit que notre formule est trop structurée, que ce sera perçu comme une école parallèle», déplore François Jodoin, venu s'installer au Nunavik il y a deux ans avec sa conjointe et leurs deux enfants.

Il faut savoir qu'au Nunavik, la classe se fait en inuktitut - langue des Inuits - de la maternelle à la 3e année, période où une langue seconde est progressivement introduite. À compter de la 4e année, l'enseignement se fait en anglais ou en français, dans un contexte d'apprentissage en langue seconde.

En attendant que le conflit se règle, les enfants n'ont toujours pas d'école. Pour éviter qu'ils prennent trop de retard, les parents ont choisi de débourser chacun 1000$ par mois pour payer eux-mêmes les tutrices et le local. «Certains ont pris une marge de crédit», affirme M. Jodoin. Les cours ont débuté lundi.

Les élèves ne disposent pour le moment que de photocopies, car la commission scolaire refuse de leur fournir des manuels scolaires, affirment les parents.

Un dossier hautement politique

Les parents multiplient les démarches auprès du Ministère depuis des semaines, mais il s'agit d'un dossier hautement politique.

Le budget de la Commission scolaire Kativik provient du Ministère, mais elle dispose de plus d'autonomie que les autres commissions scolaires en vertu de la Convention de la Baie-James.

«On est pris en otage. On se sent complètement abandonnés», confie M. Jodoin.

Il y a quelques années, l'ancien hockeyeur Joé Juneau, qui a mis sur pied un programme de hockey pour les élèves du Nunavik, a connu des problèmes semblables. Il avait songé à revenir dans le Sud parce que ses deux filles n'avaient pas accès à une éducation en français. Un programme de tutorat en français avait alors été mis sur pied au Nunavik.

Le député péquiste de la région, Luc Ferland, craint que le Nunavik ne perde des travailleurs à cause de cette situation. Il en a discuté avec le sous-ministre à l'Éducation vendredi et compte en faire un dossier prioritaire lorsque le nouveau gouvernement sera formé.

«Ces parents ne pourront pas demeurer à l'emploi du Nunavik, que ce soit dans les domaines de l'éducation, de la santé ou de l'administration si leurs jeunes n'ont pas accès à une éducation en langue française», souligne M. Ferland.

Un problème semblable a été vécu avec les Cris il y a un peu plus d'un an, rappelle-t-il. «Il n'est toujours pas résolu.»

Dans un courriel laconique, le ministère de l'Éducation a fait savoir qu'il «demeure disposé à travailler avec la commission scolaire et les parents concernés afin d'en arriver à une entente dans les meilleurs délais, et ce, dans le respect des droits et obligations de toutes les parties.»

Quant à la Commission scolaire Kativik, elle a refusé de répondre à nos questions, malgré des demandes répétées.