Hausse du salaire des nouveaux enseignants, baisse du ratio d'élèves à besoins particuliers dans les classes ordinaires, création de postes de mentors et relance (avec beaucoup de nuances) du projet de créer un ordre professionnel. À quelques mois du prochain scrutin, La Presse s'est entretenue avec Jean-François Roberge, porte-parole de la Coalition avenir Québec (CAQ) en matière d'éducation, qui dit «tendre la main» aux enseignants en présentant ses engagements électoraux pour valoriser cette profession enseignante.

La création d'un ordre professionnel des enseignants est au coeur du programme de la CAQ depuis sa fondation. En 2012, le chef caquiste François Legault avait dit que «la création d'un ordre [représenterait] un jalon important pour assurer la qualité de l'enseignement donné à nos enfants».

Cette fois-ci, à quelques mois des élections, le porte-parole de la CAQ en matière d'éducation, Jean-François Roberge, nuance cet engagement. Un ordre professionnel pourrait «très difficilement» être créé sans l'accord des syndicats, reconnaît-il.

«On ne peut pas en faire une promesse électorale [...] parce que ce n'est pas vrai qu'on peut l'implanter de force», affirme d'emblée M. Roberge, que La Presse a rencontré la semaine dernière lors d'une entrevue à son bureau de l'Assemblée nationale.

«Il y a des enseignants qui sont enthousiastes, certains sont sceptiques et d'autres ne savent juste pas. Il faut en parler, le débat n'est pas clos», explique le député de Chambly.

Créer un ordre est loin de faire l'unanimité. Encore récemment, lorsque les jeunes libéraux ont ramené cette idée à l'avant-plan, la Fédération autonome de l'enseignement (FAE) avait dit qu'il s'agissait d'une «déclaration de guerre».

Un programme d'enseignants mentors

Le Québec «marche vers un précipice», estime Jean-François Roberge, qui calcule qu'une pénurie d'enseignants est à nos portes et que ce problème sera «criant» au cours des prochaines années. Dans ce contexte, les jeunes enseignants qui quittent le milieu au cours de leurs premières années de carrière représentent «un drame humain, social et économique», dit-il.

Pour aider ces nouveaux enseignants, le député caquiste promet de créer un programme national d'enseignants mentors : des profs ayant plusieurs années d'expérience, qui enseignent toujours et qui épauleraient la relève pendant ses cinq premières années de carrière.

«Dans les cinq premières années d'enseignement, si tu as un mentor [...], je suis convaincu que c'est une façon de réussir», affirme M. Roberge, qui estime qu'un tel programme coûterait environ 28 millions de dollars.

De meilleurs salaires dès l'entrée

Pour rehausser l'attractivité de la profession enseignante, la CAQ mise entre autres sur une hausse du salaire d'entrée. Elle abolirait ainsi les quatre premiers échelons salariaux des jeunes enseignants, et ferait ainsi passer leur échelle de traitement de 15 à 11 paliers. «C'est majeur!», s'exclame Jean-François Roberge.

Dans son plan, la CAQ abolirait les échelons salariaux 3 à 6 (les niveaux 1 et 2 ne touchent plus personne, précise M. Roberge, puisqu'ils datent de l'époque où la formation universitaire en éducation durait trois ans plutôt que quatre).

Ainsi, en tenant compte du salaire annuel en vigueur depuis le 1er avril dernier, un nouvel enseignant au Québec qui a terminé son baccalauréat en éducation est payé 44 985 $. Si la majoration prévue par la CAQ était déjà appliquée, ce dernier serait payé au 7e échelon, soit 53 134 $.

Jean-François Roberge estime que cette mesure de son plan coûterait 40 millions.

Revoir la composition de la classe ordinaire

Les élèves à besoins particuliers sont souvent « trop nombreux dans une même classe non spécialisée » et «certains cas sont simplement trop lourds pour une classe dite ordinaire», juge la CAQ. Jean-François Roberge souhaite revoir la composition des classes ordinaires pour établir des ratios maximums d'élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage (HDAA).

«Ce n'est pas vrai qu'on peut intégrer 12 enfants qui ont des difficultés dans des classes ordinaires. À un moment donné, même si l'enseignant considère que chacun de ces élèves est individuellement intégrable [...], quand leur nombre est trop grand, il ne peut plus répondre aux besoins des autres enfants», estime le député caquiste.

Ainsi, la CAQ met de côté 30 millions - une somme qu'elle dégagerait à partir des économies réalisées par l'abolition des élections scolaires, une de ses promesses phares - pour embaucher de nouveaux spécialistes et créer de nouvelles classes spécialisées.

Rehausser les exigences dans les facultés d'éducation

En rehaussant l'attractivité de la profession enseignante, notamment avec de meilleurs salaires et en revoyant la composition des classes ordinaires, la CAQ estime que le nombre de demandes d'admission dans les facultés d'éducation augmenterait lors d'un éventuel premier mandat. «Une fois que les demandes d'admission auront augmenté», le parti rehaussera «les exigences à l'entrée pour la profession enseignante», promet-on.

Entre-temps, Jean-François Roberge souhaite envoyer un «signal fort» en obligeant les étudiants en éducation à passer le Test obligatoire de certification en français écrit pour l'enseignement (TECFEE) dès leur première année universitaire. Il imposerait également une limite de trois reprises pour ceux qui y échouent lors d'une première tentative.

«Je pense que c'est de l'ordre d'un symbole, d'un signal fort. Il n'y aura pas de compromis, il n'y aura pas de cinquième [tentative]», affirme le député caquiste.

En 2016, selon des chiffres dévoilés par La Presse, le taux de réussite du test au premier essai était de 53% à l'échelle nationale, puis montait à plus de 98% à la quatrième tentative. Pour l'instant, les étudiants en éducation peuvent passer le TECFEE jusqu'à ce qu'ils le réussissent.

La fin des conseillers pédagogiques

Selon Jean-François Roberge, si «les conseillers pédagogiques sont parfois extraordinaires, appelés par les profs, d'autres fois, leur téléphone ne sonne pas». Dans son plan de valorisation de la profession enseignante, la CAQ souhaite donc les «réintégrer dans le corps professoral» et mandater les enseignants pour qu'ils nomment, entre eux, des enseignants «experts ou émérites».

«On abolit les conseillers pédagogiques tels qu'on les connaît, ça devient des profs experts ou émérites. Pour [en être un], il faut que tu sois un enseignant» choisi par tes pairs, explique M. Roberge, qui estime qu'un tel changement coûterait 7 millions de dollars.

Dans son plan, la CAQ prévoit entre autres obliger les enseignants à assister à trois journées de formation continue par année, qu'ils pourront suivre lors de trois journées pédagogiques de leur choix. La responsabilité de définir un plan annuel de formation continue reviendra aux enseignants, explique Jean-François Roberge.

De leur côté, les enseignants experts (dont la «rémunération [serait] majorée en conséquence») seront appelés à monter des formations, qu'ils donneront par la suite à leurs collègues qui le désirent.