Québec veut amener non seulement les Québécois, mais bien le monde entier à manger québécois. Le gouvernement Couillard a présenté vendredi sur une ferme en banlieue de Montréal une vaste politique bioalimentaire visant à soutenir la croissance et la présence des produits alimentaires de l'industrie locale et leur exportation.

C'est ainsi après plus de deux ans de travaux que la politique a été dévoilée. La plupart des acteurs de la chaîne alimentaire québécoise applaudissent déjà l'arrivée des grandes orientations, soutenues par de nouveaux programmes, pour les gens qui travaillent du champ à l'assiette.

Les grands axes de la politique visent notamment une amélioration de l'offre de produits alimentaires québécois aux consommateurs, un soutien aux entreprises agricoles et de transformation alimentaire et l'instauration de pratiques plus responsables sur le plan environnemental.

La table a été mise lors du dernier budget provincial : 364 millions de dollars sont réservés pour l'alimentation, dont 195 millions pour le secteur agricole précisément. 

« Je suis content qu'on dédie des programmes au développement agricole dans tous les volets, de la production à l'exportation », se félicite Marcel Groleau, le président de l'Union des producteurs agricoles du Québec (UPA). Il estime toutefois que celle-ci ne répond pas aux préoccupations des producteurs en matière de gestion du risque et dit douter que les moyens consacrés soient suffisants pour atteindre les objectifs visés.

Le ministre Lessard a annoncé plus tôt cette semaine les détails de quelques programmes spécifiques. Les agriculteurs qui veulent moderniser leurs infrastructures, notamment pour s'adapter aux nouvelles normes sur le bien-être animal attendues des consommateurs, auront de l'aide. Les petits producteurs dont le chiffre d'affaires est de moins de 50 000 $ auront aussi droit à des fonds. Les producteurs de légumes en serre peuvent obtenir un rabais d'électricité. 

Le ministre Lessard a également annoncé jeudi la mise en place du programme Laboratoires d'innovations bioalimentaires, doté d'un budget de 8,8 millions de dollars. Il permettra notamment « d'assurer la protection du territoire agricole et la préservation des ressources ». Marcel Groleau explique que cela pourrait, par exemple, permettre à une municipalité de relancer des terres en friche pour les cultiver.

UN LONG PROCESSUS

C'est Pierre Paradis, alors qu'il était ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ), qui avait lancé le processus en 2015. Les trois rencontres sectorielles qui ont suivi et le sommet de l'alimentation du mois de novembre 2017 ont donné la parole aux consommateurs, aux représentants de l'industrie de la pêche, de la transformation alimentaire, de la distribution, de la restauration et des agriculteurs. 

Le dévoilement de la politique bioalimentaire gouvernementale 2018-2025 s'est fait finalement ce matin par Laurent Lessard et Philippe Couillard sur une ferme maraîchère de l'île Perrot. Le but de l'exercice : donner les grandes orientations du Québec pour l'alimentation, autant pour favoriser de saines habitudes au moment des repas que pour établir des principes d'agriculture qui répondent aux attentes des consommateurs. Le spectre est large. 

C'est pour cette raison qu'étaient aussi présentes les ministres Isabelle Melançon, du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Lucie Charlebois, responsable de la Santé et des Saines habitudes de vie et Dominique Anglade, ministre de l'Économie, de la Science et de l'Innovation. 

Sylvie Bernier a participé à quelques rencontres préparant la politique. Elle est particulièrement heureuse de voir cette collaboration entre ministères autour de la santé et de l'alimentation. « C'est une excellente nouvelle, dit-elle. On ne peut plus travailler en silo. [...] Quand on travaille sur des questions comme l'obésité ou la pauvreté, on ne peut pas travailler avec un seul ministère. La santé est liée à l'alimentation. Le développement durable est lié à l'alimentation. » 

Cette ambassadrice des saines habitudes de vie attend par ailleurs de voir des mesures concrètes prévues pour rendre la saine alimentation accessible pour tous. « Une accessibilité autant économique que physique », précise-t-elle. 

DES MÉCONTENTS

Parmi les mesures qu'il ne faut pas attendre dans la politique : l'étiquetage des OGM. Le dossier était cher au précédent ministre, Pierre Paradis, qui s'était même rendu au Vermont à plus d'une reprise pour s'inspirer du règlement conçu par cet État voisin. 

« Laurent Lessard a clairement dit qu'il ne le ferait pas », confirme Thibault Rehn, de l'organisme Vigilance OGM. Plusieurs consommateurs ont pourtant demandé l'étiquetage obligatoire des organismes génétiquement modifiés sur la page du Sommet de l'alimentation du MAPAQ. « L'idée de la politique bioalimentaire, au départ, était d'écouter les consommateurs, poursuit Thibault Rehn. C'est extrêmement dommage et cela démontre un manque de volonté politique et un manque de vision. »

- Avec La Presse canadienne