Québec enverra une directive à tous les corps de police à la suite du « problème assez profond » soulevé par l'affaire Camil Picard, au dire du premier ministre Philippe Couillard.

Selon l'enquête publiée jeudi dans La Presse, l'ex-président par intérim de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) a fait l'objet de trois vérifications d'habilitation sécuritaire au cours des cinq dernières années, mais l'enquête pour agression sexuelle sur un mineur le concernant n'est jamais apparue sur l'écran radar de la Sûreté du Québec (SQ).

Le dossier de l'enquête, menée par le Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) en 2007, n'était pas inscrit dans les grandes bases de données consultées par la SQ, une situation jugée anormale par une source bien au fait de ces procédures. Résultat : le gouvernement n'a pas été informé par la SQ de la tenue de cette enquête au moment de nommer M. Picard vice-président de la CDPDJ en 2013, puis lors de sa nomination comme président par intérim en 2016 et en 2017.

Le ministre de la Sécurité publique Martin Coiteux a demandé au SPVQ des explications sur cette situation. Jusqu'ici, deux sources avancent qu'à l'époque de l'enquête concernant Camil Picard, les systèmes informatiques utilisés par certains corps de police ne transféraient pas automatiquement les dossiers dans la base de données consultée par la SQ. 

Une erreur administrative pourrait ainsi expliquer que le cas de M. Picard ne s'y soit pas retrouvé.

Néanmoins, en 2008, une officière du SPVQ, inquiète de la position de M. Picard comme directeur du Centre jeunesse de la Montérégie, a alerté par écrit le ministère de la Santé et des Services sociaux. La ministre déléguée à la Protection de la jeunesse à l'époque, Lise Thériault, a été mise au courant, a consulté la Justice et la Sécurité publique, et a envoyé une lettre au sujet de M. Picard au président du conseil d'administration du Centre jeunesse, Marc Rodier, qui, aujourd'hui, dit ne pas avoir reçu une telle correspondance. À l'époque policier à la Ville de Longueuil, désormais directeur de la Régie intermunicipale de police Roussillon, M. Rodier a souligné qu'il n'avait pas de bureau au Centre jeunesse où était acheminée sa correspondance. C'est Camil Picard ou sa secrétaire qui lui transmettaient son courrier.

M. Picard a conservé ses fonctions au Centre jeunesse de la Montérégie pendant cinq ans avant d'être nommé à la CDPDJ.

BASES DE DONNÉES

Martin Coiteux ne se limitera pas à demander des comptes au SPVQ. Il enverra une « directive » à tous les corps de police. 

« L'objectif est de rappeler l'importance de partager l'information et d'entrer les informations dans les fichiers. »

- Marie-Ève Pelletier, attachée de presse du ministre Martin Coiteux, vendredi

Ce partage d'information permet à la SQ de déceler dans ses bases de données des situations potentiellement problématiques lors des vérifications d'habilitation sécuritaire, passage obligé avant toute nomination à un poste de haut niveau au gouvernement. Après analyse des informations récoltées, le corps de police peut mettre en garde le gouvernement, même s'il n'y a pas eu d'accusation contre la personne concernée.

Rappelons que Camil Picard n'a pas été accusé au criminel relativement à cette affaire. En 2010, en vertu d'un règlement à l'amiable, il a versé 50 000 $ à l'homme qui affirmait avoir été violé par lui en 1983. Dans la quittance signée par les deux hommes, on précise que « le règlement est effectué sans reconnaissance ni admission de responsabilité de la part de Camil Picard ».

Ce dernier a démissionné de toutes ses fonctions à la CDPDJ jeudi, jour de la publication de l'enquête de La Presse.