« Le Québec a tiré des leçons. » Martin Coiteux avoue que la gestion des inondations « historiques » du printemps dernier par la Sécurité publique n'a pas été de tout repos. Mais il compte faire mieux si la situation devait se répéter.

Le ministre des Affaires municipales et de l'Occupation du territoire et ministre de la Sécurité publique a dévoilé jeudi son plan d'action relatif aux inondations, assorti d'une enveloppe de 47,4 millions d'investissements immédiats. Des sommes additionnelles seront également dévoilées dans le prochain budget provincial, assure-t-il.

Une annonce qui arrive un peu tard et qui laisse ceux qui ont été touchés l'an dernier « souffrir dans l'ombre des caméras », déplore Steve Beauchamp, porte-parole des Sinistrés des inondations du printemps 2017.

En effet, le plan élaboré par le Ministère, et décliné en 24 mesures clés, est résolument pointé vers la prévention. « Nous voulons que le Québec soit plus résistant et plus résilient face aux risques d'inondation », a dit M. Coiteux. Le document a été conçu à la suite de consultations avec, notamment, les municipalités et des personnes sinistrées.

Le Ministère consacrera 20 millions en soutien aux villes qui n'ont pas de plan de mesures d'urgence complet et à jour. Plus de deux villes sur trois au Québec sont dans cette situation. Toutes les municipalités de la province devront se conformer à leur plan dans un délai de 18 mois suivant sa publication.

Enfin, l'organisme Ouranos sera chargé de mener des travaux de recherche à grande échelle sur les zones inondables, afin de déterminer les impacts futurs des changements climatiques. Une enveloppe de 6,9 millions est assortie à ce mandat.

« Nous devons intégrer les changements climatiques à nos outils de gestion », a résumé Jean Habel, député de Sainte-Rose et adjoint parlementaire de la ministre de l'Environnement.

UNE AIDE PLUS RAPIDE

Alors que certains sinistrés n'ont toujours pas reçu leur rapport d'évaluation des dommages sur leur maison près d'un an après les inondations du printemps 2017, le Ministère a annoncé des mesures pour accélérer le processus d'évaluation et, surtout, d'aide financière d'urgence.

Répondant aux demandes de plusieurs villes, Québec leur déléguera « en tout ou en partie », si elles le désirent, le pouvoir de distribuer des allocations aux sinistrés.

Le ministre Coiteux n'a pas fourni les détails relativement à ce partage des tâches. Si cette annonce a été reçue positivement dans le monde municipal, son application laisse certains maires songeurs.

« Ça fait longtemps qu'on a levé la main pour avoir ces pouvoirs, alors c'est une bonne nouvelle, a commenté Michel Angers, maire de Shawinigan. Mais il faudra que les bottines suivent les babines. Si on délègue des pouvoirs aux municipalités, il faut qu'on puisse gérer la totalité, et non une partie, des sommes à remettre et des charges administratives qui viennent avec. Nous serons très fermes là-dessus. Le but demeure de décharger le gouvernement pour donner un service plus rapide. »

« Nous sommes très contents de l'annonce du ministre. Depuis le début, nous demandons plus de responsabilités [...]. Nous avons toutefois hâte de voir comment va se réaliser l'aspect financier, avec la Ville qui gère l'argent de Québec :  il faudra s'asseoir avec eux pour voir comment ça va marcher », dit Marie-Andrée Gagnon, porte-parole de la Ville de Rigaud.

Toujours dans le but avoué de diminuer le nombre d'intervenants à contacter pour les sinistrés, le ministère de la Sécurité publique compte favoriser de meilleurs échanges de renseignements personnels entre les villes et les ministères.

M. Coiteux a également annoncé que des fonctionnaires provenant d'autres ministères seraient dès maintenant formés pour être appelés en renfort dans le cas où des milliers de réclamations arriveraient en quelques jours, comme c'est arrivé le printemps dernier.

En exigeant en outre des municipalités un meilleur partage des connaissances et de l'équipement, le ministre veut améliorer sa « force de frappe ».

Un peu plus de 6000 demandes de réclamation ont été envoyées au gouvernement à la suite des inondations du printemps dernier. Selon le ministre, « plus de 80 % des personnes sinistrées ont reçu entre 75 et 90 % de l'aide financière » qui leur a été allouée par Québec.

M. Coiteux a assuré que ces mesures seraient en place « dès ce printemps ».

« PAS PIRE QUE L'AN DERNIER »

Près d'un an après le désastre, une centaine de personnes n'ont toujours pas réintégré leur domicile.

Pour Steve Beauchamp, porte-parole des Sinistrés des inondations du printemps 2017, l'annonce de Québec comporte de bons côtés. Il voit notamment d'un bon oeil l'implication accrue des municipalités. N'empêche, « c'est un peu tard », dit-il.

Avec son regroupement, M. Beauchamp aide les sinistrés de 2017 à « fermer leur dossier », alors que les agents du Ministère sont débordés, selon lui.

« On comprend que l'énergie a été mise sur de futurs sinistres. C'est bien, mais est-ce que ça suffira ? On verra. Ça ne pourra jamais être aussi pire que l'an dernier. »

Réactions

« On est contents que le ministre veuille simplifier le programme d'aide aux sinistrés, mais il reste du travail à faire. Il faut absolument que ce soit fait avant la prochaine saison des inondations, pour ne pas que les futurs sinistrés doivent faire face à l'ancien programme. Des gens se sont retrouvés dans un enfer administratif, et ce n'est pas fini pour bien du monde. [À propos des pouvoirs accrus aux municipalités], on fait partie des villes qui ont la capacité de prendre en charge une partie de la gestion du rétablissement, on veut assumer un rôle plus grand. » - Maxime Pedneaud-Jobin, maire de Gatineau

« L'importance de mieux cartographier les zones inondables était dans les recommandations de notre rapport de la sécurité civile sur les inondations. C'est un pas dans la bonne direction, mais il faudra aller encore plus loin avec un règlement sur l'aménagement du territoire qui tient compte de la nouvelle réalité, des changements climatiques. [...] En tant que ville, nous sommes le gouvernement de proximité, alors oui, nous envisageons de prendre les pouvoirs que Québec nous donne pour donner l'aide financière aux sinistrés. » - Nathalie Goulet, responsable de la sécurité publique au comité exécutif de la Ville de Montréal

« Depuis 10 ans, nous avons posé beaucoup d'actions afin d'élaborer un plan de mesures d'urgence qui est parmi les meilleurs au Canada. Ça nous fera plaisir de le partager avec les autres villes. [...] Nous avons été très satisfaits du travail des représentants du ministère de la Sécurité publique, le printemps dernier et même dans des inondations récentes : les sinistrés ont eu leurs chèques rapidement, pendant que nous on s'occupait de les aider sur le terrain. Le Ministère a fait de l'excellent travail, alors nous ne sommes pas intéressés à prendre le pouvoir de distribuer l'argent. » - Patrick Voyer, responsable de la sécurité publique au comité exécutif de la Ville de Québec

« Ce plan ne constitue pas une stratégie gouvernementale pour réduire le risque d'inondation. C'est plutôt du saupoudrage de mesures, en silo et sans réelle vision d'avenir. Au mieux, il s'agit d'un plan d'action qui vise la coordination entre la sécurité civile et le monde municipal. Les libéraux nous présentent aujourd'hui un plan pour réagir aux événements, alors que le travail doit se faire en amont. [...] Les gens touchés par les crues printanières de 2017 réclamaient de l'aide psychologique ; soit le ministre ne les a pas entendus, soit il ne les a pas écoutés. » - Les députés Stéphane Bergeron (photo) et Martin Ouellet, porte-paroles du Parti québécois respectivement en matière de sécurité publique et d'affaires municipales

«  Dans quelques semaines, nous soulignerons le premier anniversaire de ces inondations historiques et le gouvernement libéral en est toujours à élaborer des solutions pour régler les dossiers. Oui, les municipalités ont leur rôle à jouer, mais ce ne sont pas elles, le problème : c'est le leadership du ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux. Ce plan d'action est rempli de belles intentions, mais rien ne garantit aux citoyens un traitement des dossiers plus rapide et une bureaucratie plus humaine. Les sinistrés devront encore prendre leur mal en patience.  » - La députée Sylvie D'Amours, responsable pour la Coalition avenir Québec du dossier des inondations printanières

À propos de la délégation de pouvoirs aux villes : « Des gens dépourvus, découragés, ont dû passer à travers une lourde bureaucratie, alors c'est certain que la chose à faire, c'est d'enlever des étapes et se rapprocher des gens en ramenant ça au municipal. Cependant, il faudra s'assurer que les villes profitent de compensations financières suffisantes et qu'elles aient la latitude opérationnelle nécessaire. S'il faut constamment se faire endosser par le gouvernement, ça ne donne pas grand-chose. » - Yves Lévesque, maire de Trois-Rivières