La direction du Parti québécois est parvenue à désamorcer le débat sur le maintien du financement aux cégeps anglophones avec une proposition ambiguë qui dit que ce réseau devra répondre « en priorité » aux besoins des anglophones, ce qui pourrait entraîner une diminution des budgets. Pas question toutefois d'interdire unilatéralement aux francophones et aux allophones de s'inscrire aux cinq collèges anglophones du Québec.

Parrain de la proposition, Guillaume Rousseau, membre de l'exécutif national, a souligné que « le libre choix [pour la langue d'enseignement] au collégial est préservé », tout en avouant que la proposition adoptée par les délégués en atelier, samedi, est « compliquée ». L'obligation de réaliser cette proposition dans un premier mandat péquiste a aussi été supprimée. 

« On a une position un peu compliquée, mais c'est parce qu'elle est équilibrée. C'est une question qui est compliquée, donc c'est pour ça que notre proposition est compliquée. (...) On propose une solution complexe, mais qui est adéquate entre le français langue commune, le bilinguisme individuel, les droits des communautés anglophones et le libre choix encadré », a-t-il dit par la suite lors d'une mêlée de presse. 

Sa proposition, qui doit désormais être soumise en assemblée plénière avant d'être officiellement adoptée, ne forcerait pas explicitement un gouvernement péquiste à sabrer dans le financement du collégial anglophone. Le PQ entend plutôt « s'assurer que le financement des cégeps anglophones réponde en priorité aux besoins de la communauté historique anglophone et, par conséquent, qu'il soit graduellement aligné sur le poids démographique proportionnel de cette communauté ». 

Toujours selon cette proposition, les francophones ou les allophones qui voudraient s'inscrire à un cégep anglophone devraient aussi avoir effectué leur éducation primaire et secondaire en français. Un immigrant qui est arrivé au Québec à l'adolescence en provenance d'un pays non francophone et qui n'aurait fait que son secondaire en français ne pourrait donc pas s'inscrire dans un cégep anglophone une fois son secondaire terminé.  

Pendant le débat sur cette proposition, de nombreux intervenants se sont massés au micro pour exprimer leur soutien, ne laissant aucun doute sur la volonté de la direction du parti de faire passer ce texte du compromis. On voulait ainsi éviter de voir le débat s'enferrer en plénière sur l'application de la loi 101 au cégep, ce qui empêcherait les francophones et les allophones de fréquenter le réseau collégial anglophone.

L'interprétation de cette proposition allait toutefois dans toutes les directions. Plusieurs intervenants observèrent que ce texte risquait de réduire le financement des collèges anglophones, un mauvais message. Pour Denis Martel, délégué de Charlesbourg, cette orientation risque avec le temps de limiter l'accès des francophones aux collèges anglophones, alors que seul le réseau privé resterait disponible, une solution qui désavantage les moins fortunés.

« [Si] on propose de réduire le financement au poids démographique, ce sera 3%, que le toit coule ou pas. Or, on veut bâtir des ponts avec la communauté », a aussi relevé un autre délégué de Sainte-Marie Saint-Jacques, à Montréal.

Pour Marc Laviolette, délégué de Beauharnois et tenant habituel de la ligne plus radicale en matière linguistique, la proposition de l'exécutif national était la plus susceptible de rallier l'ensemble des délégués en plénière. « On peut se faire plaisir » avec une proposition plus radicale, mais elle sera battue au congrès plénier, a-t-il prévenu. 

« Ce que [la proposition adoptée] veut dire, c'est que si [un francophone ou un allophone] veut appliquer son libre choix, (...) veut étudier au cégep anglophone, ça sera au cégep privé. L'argent public doit servir à financer les besoins [des francophones et] de la communauté anglophone. On n'a pas un système bilingue d'éducation au Québec », a-t-il dit après l'adoption du texte, ce qui est une interprétation différente de ce Guillaume Rousseau, le père de la proposition, expliquait en évoquant le respect du libre choix. 

Minoritaires, les tenants de l'imposition de la loi 101 au cégep sont quant à eux intervenus avec insistance pendant le débat. « On ne va pas renier nos principes, le libre choix est un suicide collectif ! », a lancé Daniel Roy, délégué de Nelligan. Les cinq collèges anglophones obtiennent 19 % des inscriptions alors que les anglophones représentent 8 % de la population, a-t-il rappelé. Il s'est toutefois plus tard rallié à la proposition, espérant qu'elle permettra de réduire le financement du collégial anglophone.

« On est pour l'application de la loi 101 au cégep, on est contre le compromis. Que les francophones aillent au cégep en français par la porte d'en avant ! », a pour sa part renchéri Nicole Gadoury, de Hull.