Le gouvernement Couillard s'aventure sur un terrain glissant en multipliant les enquêtes internes et rapports pour lever le voile sur des allégations graves secouant le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) au lieu de se tourner directement vers une enquête indépendante et publique, selon Québec solidaire.

En entrevue à La Presse canadienne samedi, l'élue montréalaise Manon Massé a déclaré que lorsque le politique se mêle du milieu policier ça peut créer des situations non souhaitables, voire donner l'impression qu'on cherche à protéger des gens. L'enquête publique réclamée par Québec solidaire pourrait donc avoir un mandat élargi afin d'aller voir comment «la police protège la société québécoise et non l'élite politique».

Pour la députée de la circonscription de Sainte-Marie-Saint-Jacques, l'enquête interne annoncée en fin de journée vendredi par le ministre de la Sécurité publique Martin Coiteux ne suffit pas, même si la personne qui sera nommée au cours des prochains jours aura les mêmes pouvoirs qu'un commissaire. Elle a fait valoir qu'à partir du moment où une enquête est «interne» tout devient secret jusqu'au moment de la présentation du rapport avec ses recommandations, ce qui n'est pas le cas d'une enquête publique.

Au Parti québécois, le porte-parole en matière de Sécurité publique, Pascal Bérubé, croit qu'il y a le moyen d'en rendre public le contenu en présentant notamment des rapports d'étapes. Il espère toutefois que les partis d'opposition à Québec seront consultés pour la nomination du commissaire et que cette personne sera assurée d'une «totale indépendance lui permettant d'aller au fond des choses». Selon M. Bérubé, les problèmes au SPVM ne datent pas d'hier et le commissaire devra reculer dans le temps, bien avant l'arrivée de Phillippe Pichet à la direction du SPVM, pour recueillir des informations.

Quant à l'ajout de ressources supplémentaires à l'enquête de la Sûreté du Québec (SQ) sur des allégations de fabrication de preuve au SPVM, pour écarter des policiers de certains dossiers, cela ne satisfait pas les solidaires Manon Massé et Amir Khadir. Pour ce dernier, «la preuve a été suffisamment faite, au Québec comme ailleurs, qu'une enquête de la police sur la police ne fonctionne pas».

Même son de cloche au Parti québécois, où M. Bérubé affirme que bien que des moyens supplémentaires aient été annoncés par le ministre Coiteux pour enquêter sur les pratiques du SPVM, «il n'en demeure pas moins que la police va enquêter sur la police, même si elle provient de plusieurs endroits».

C'est pourquoi M. Bérubé s'intéresse à l'idée d'élargir le mandat de la Commission d'enquête sur les sources journalistiques «pour tenir compte notamment des liens potentiels qui existent entre le pouvoir politique et la police». Cela éviterait d'avoir à créer une nouvelle commission d'enquête et permettrait aux gens qui ont des choses à raconter de se faire entendre sans craindre des représailles.

Quant à la possibilité d'amender le projet de loi 107 pour donner plus de pouvoirs au Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), comme l'a suggéré le ministre Coiteux, Manon Massé y voit peut-être un pas dans la bonne direction. Par contre, elle trouve souhaitable d'ajouter aux enquêteurs du BEI un volet où le «citoyen ordinaire» sera représenté, un peu comme il se fait en Ontario, afin de rendre cette instance «réellement indépendante». Il faudrait aussi peut-être examiner la procédure actuelle qui fait en sorte que les postes à pourvoir aux directions de police sont présentement le fruit de nominations gouvernementales.

À cela, Pascal Bérubé ajoute que si le gouvernement n'avait pas retardé la création du BEI, il serait déjà totalement habileté à mener l'enquête actuelle. Selon lui, le ministre n'a pas besoin de modifier la loi, mais il a besoin de donner au BEI les moyens de faire son travail.