Les libéraux essaient actuellement de se dessiner une carte électorale à leur avantage, a soutenu mercredi le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault.

Il réagissait ainsi à l'action concertée des députés libéraux mardi devant la Commission de la représentation électorale (CRÉ). Ils ont fait bloc contre la disparition de la circonscription de Saint-Maurice, représentée par le libéral Pierre Giguère, mais aussi contre des changements sur l'île de Montréal, à Laval et en Montérégie, en défendant les communautés juive, musulmane et grecque, leur électorat traditionnel.

«On a eu l'impression à quelques reprises que les libéraux essayaient de se dessiner une carte électorale favorable au Parti libéral du Québec, évidemment que c'est déplacé», a déclaré M. Legault mercredi, dans le hall de l'Assemblée nationale, au terme de la réunion de ses députés.

À ses côtés, le porte-parole caquiste en matière de réforme des institutions démocratiques, Benoit Charette, a fait remarquer que lors de la refonte précédente de la carte électorale en 2011, une quinzaine de députés libéraux étaient intervenus, et cette fois, ils ont été une quarantaine à avoir demandé à prendre la parole.

«On peut penser à une manoeuvre orchestrée qui viserait à protéger leurs acquis», a laissé entendre le député de Deux-Montagnes.

Les élus libéraux ont répété qu'il fallait tenir compte, dans le redécoupage, de tous les nouveaux arrivants à Montréal en voie d'obtenir le droit de vote, a souligné M. Charrette, ce qui va à l'encontre selon lui du principe de représentation effective de la loi électorale, c'est-à-dire des citoyens qui détiennent le droit de vote.

«Le but premier d'une carte électorale est d'offrir un vote équitable entre les citoyens, qu'ils soient des Laurentides ou de la Mauricie; or actuellement, ce n'est pas le cas.»

Les libéraux n'ont pas mis de temps à réagir aux accusations de la CAQ.

Dans un courriel transmis à La Presse canadienne, le député de LaFontaine, Marc Tanguay, qui a pris part à la commission parlementaire, a soutenu que «la proposition de carte déposée en mars 2015 ne respecte pas la notion d'équité dans le vote, pas plus qu'elle ne respecte les communautés naturelles», notamment en Mauricie.

Il n'y a rien de partisan dans l'opposition en bloc du PLQ aux modifications proposées, a-t-il ajouté.

«Il n'y a donc pas là de vision partisane, mais bien l'expression de députés libéraux qui souhaitent solidairement défendre une valeur libérale, soit le respect des droits démocratiques de tous les Québécois, de toutes les origines et dans toutes les régions du Québec. Si M. Legault n'adhère pas à de telles valeurs, il devrait s'expliquer.»

Sous la houlette du Directeur général des élections du Québec (DGEQ), la Commission de la représentation électorale termine bientôt ses consultations en vue d'établir la nouvelle carte électorale, qui devrait être valide pour 2018.

La circonscription de Saint-Maurice est condamnée par le DGE en raison «d'un nombre d'électeurs bien inférieur à la moyenne provinciale» en Mauricie, comme l'énonce le rapport de la CRÉ.

La région est donc surreprésentée selon les critères de la loi électorale et passerait de cinq à quatre circonscriptions. Le député de Saint-Maurice, M. Giguère, a dit que c'était une «erreur déplorable». Tous ses collègues libéraux de la Mauricie s'opposent aussi au dépeçage qui leur accorderait davantage d'électeurs dans leurs circonscriptions, qui sont pourtant en deçà de la moyenne québécoise en nombre d'électeurs.

Par ailleurs, le rapport propose la fusion des circonscriptions d'Outremont et de Mont-Royal, détenues par deux ministres libéraux. Le rattachement de 700 ménages juifs hassidiques au comté voisin de Mercier a fait «littéralement pleurer d'avance» la députée d'Outremont et ministre de l'Enseignement supérieur, Hélène David, selon ce qu'elle a déclaré à la CRÉ mardi.

Les partis soutiennent toujours qu'ils examinent dans un esprit non partisan les recommandations de la commission, mais dans la pratique, ils sont très soucieux des effets du redécoupage sur leurs résultats électoraux. Les échanges à la commission parlementaire ont d'ailleurs laissé transparaître certaines tensions entre les formations politiques.

Les élus de la CAQ ont défendu la hausse proposée par la CRÉ du nombre de circonscriptions dans Laurentides-Lanaudière, une région où ils sont bien représentés, tandis que le député libéral d'Argenteuil, Yves St-Denis, a plaidé pour augmenter le nombre de circonscriptions en Outaouais, une région qui vote traditionnellement libéral.