Le premier ministre Philippe Couillard cherche à faire taire les nombreuses voix qui se sont élevées depuis une semaine pour critiquer les prises de position de la ministre Lise Thériault sur le féminisme.

Visiblement, il n'a pas du tout apprécié le vif débat provoqué par les propos controversés tenus par sa ministre de la Condition féminine.

Mardi, lors d'une mêlée de presse, M. Couillard s'est permis un parallèle audacieux en dénonçant à quelques reprises le climat «d'inquisition» qui s'est installé au Québec, selon lui, depuis que la ministre Thériault a pris ses distances du mouvement des femmes et a refusé d'endosser l'étiquette féministe, dans une entrevue récente à La Presse Canadienne.

M. Couillard a tenté de se porter à la défense de sa ministre en rappelant à l'ordre tous ceux et celles qui s'insurgeaient de voir une ministre responsable du dossier de la Condition féminine se qualifier «d'égalitaire» plutôt que «féministe».

De l'avis du premier ministre, ceux qui ont exprimé leur surprise ou leur réprobation, à la suite des déclarations de Mme Thériault, lui ont fait un procès d'intention, transformant le débat en véritable tribunal digne de l'Inquisition.

Agacé, il a dit qu'il ne voulait pas «qu'on passe des semaines à faire une grande Inquisition au Québec», pour savoir qui et «de quelle façon» est féministe et qui ne l'est pas.

Pendant des siècles en Europe, l'Église catholique a fait régner un climat de terreur, avec son tribunal d'Inquisition qui éliminait de façon arbitraire ceux qu'elle qualifiait de sorciers ou d'hérétiques. En Espagne, les hérétiques étaient brûlés vifs sur des bûchers.

Questionné à savoir si lui-même revendiquait l'étiquette féministe, M. Couillard a ouvert une longue parenthèse, laissant croire que la réponse pouvait être oui ou non, selon la définition choisie.

Si on parle d'atteindre «une plus grande égalité» entre hommes et femmes, il est prêt, du bout des lèvres, à se dire féministe.

D'ailleurs, selon lui, il n'y a rien là de particulier, puisque «tous les Québécois sont des partisans d'une plus grande égalité entre les hommes et les femmes».

Depuis une semaine, le débat a «dévié» sur les étiquettes, a-t-il déploré, alors que ce qui compte, «ce sont les actions».

«Ça fait un peu inquisition comme débat», de chercher à savoir où se situe la ministre de la Condition féminine sur ces questions, a insisté le premier ministre.

La première intéressée, Lise Thériault, ne s'est pourtant pas montrée déstabilisée par toute l'attention autour d'elle depuis une semaine et l'accumulation de critiques, parfois sévères, à son endroit.

Ses déclarations ont eu le mérite «de repartir le débat» sur ces questions, a-t-elle commenté, lors d'une mêlée de presse.

Car on n'a «jamais parlé autant de la place des femmes dans la société et du féminisme» que depuis une semaine, a ajouté celle qui ne peut nommer une féministe l'ayant inspirée dans son action ou ayant alimenté sa réflexion.

Elle n'a pas voulu revenir sur ses déclarations passées, se contentant de dire que son but consistait à «travailler avec les hommes pour faire avancer la cause des femmes».

Le chef de l'opposition officielle, Pierre Karl Péladeau, a mis son grain de sel, n'ayant pas peur de s'affubler du qualificatif controversé.

À ses yeux, non seulement la ministre de la Condition féminine devrait revendiquer cette étiquette, mais le chef du gouvernement tout autant.

«Tout premier ministre devrait être féministe», selon lui.

Être féministe, «ça veut dire faire la promotion de la parité, faire la promotion de l'égalité» entre hommes et femmes, a commenté M. Péladeau, en point de presse, à l'occasion de la Journée internationale des femmes.

L'ex-politicienne Lise Payette est la féministe qui a le plus alimenté sa réflexion sur le sujet, a-t-il indiqué.

M. Péladeau n'est pas pour autant disposé à s'engager à présenter un nombre égal de femmes et d'hommes sous la bannière du Parti québécois lors de la prochaine campagne électorale, en 2018.

«Je n'ai pas à imposer quoi que ce soit» au parti, a-t-il noté, en disant qu'il voulait aller «dans cette direction» d'une proportion égale de candidats hommes femmes, sans s'engager davantage.