Le gouvernement du Québec a déboursé près de 9 millions pour payer la grande opération de centaines de transsexuels depuis 2009, soit depuis que les frais des interventions pratiquées au Centre métropolitain de chirurgie - une clinique privée - sont remboursés par les contribuables, a appris La Presse à la suite d'une demande d'accès à l'information.

Depuis six ans, 640 opérations transsexuelles ont été effectuées au Québec, engendrant des coûts de 8,9 millions. Avant 2009, moins d'une demi-douzaine de personnes passaient sous le bistouri chaque année, seules les demandes passant par l'Hôpital général de Montréal étant admissibles à l'époque.

«Quand le gouvernement a ouvert la porte, il pensait sûrement que la demande serait minime en se fiant aux rapports, mais il y en a une maudite gang qui attendaient leur tour, explique Marie-Marcelle Godbout, fondatrice de l'Aide aux transsexuels du Québec (ATQ).

Le nombre de patients ayant subi une transformation est passé de 16 en 2009-2010 à 169 en 2013-2014. En 2014-2015, il a connu une légère baisse, passant à 162.

«Il y a eu une demande qui semble excessive, mais il y a des gens qui attendaient depuis 40 ans, puisque ce n'était pas accessible, estime Mme Godbout. Je crois que ces chiffres vont bientôt se stabiliser et n'iront pas en augmentant.»

Tout n'est pas payé

Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) rembourse les frais liés à la vaginoplastie (création d'un sexe féminin) ou à la phalloplastie (création d'un sexe masculin).

Les transsexuels passent à travers un processus qui prend environ un an avant de subir l'intervention finale. Ils doivent obtenir deux lettres d'évaluation (psychologue, sexologue ou psychiatre), une lettre d'un endocrinologue, puis finalement subir un examen médical accompagné d'une attestation du médecin. Les quatre rapports sont envoyés au bureau du chirurgien qui fait alors la demande auprès du MSSS. Si l'opération pour le changement de sexe est acceptée, le patient se rend en clinique pour subir une intervention de quelques heures.

En dépit du fait que Québec rembourse l'opération la plus coûteuse, les trans doivent débourser des milliers de dollars pour une métamorphose complète, aucune étape reliée à la transformation esthétique (augmentation mammaire, épilation, laser, prise d'hormones...) n'étant payée par l'assurance maladie.

La libération

Si des pas de géant ont été faits pour la communauté transgenre, notamment quant à l'acceptation sociale, le chemin de croix d'un nombre inestimable de personnes n'est pas terminé.

Mme Godbout, elle-même transsexuelle, a fondé l'ATQ il y a 35 ans. Au bout du fil de sa ligne d'écoute (514 254-9038) à laquelle elle répond religieusement depuis autant d'années, elle a été témoin de la honte, du désir refoulé, de la souffrance, mais aussi de l'épanouissement.

«La meilleure façon de comprendre ce qu'on vit, c'est que c'est comme si on était condamnés à être dans une mascotte, témoigne Mme Godbout. On a des gens qui ont vécu toute leur vie derrière une mascotte, et à 70 ans, ils peuvent enfin demander l'opération. Je leur réponds toujours: "Ce n'est pas la quantité de temps qu'il vous reste qui est importante, c'est la qualité."»

- Avec la collaboration de William Leclerc