Alors qu'un coroner recommandait hier le port de caméras corporelles par les policiers, Québec vient de créer un tout nouveau comité afin d'explorer la faisabilité d'une telle mesure dans la province, a appris La Presse.

Le comité, mis sur pied tout récemment par le ministère de la Sécurité publique, est chargé d'évaluer «les impacts techniques et juridiques» de cette technologie, explique la porte-parole Louise Quintin. Le groupe, qui compte des représentants de la police et de l'École nationale de police, a officiellement commencé ses travaux hier. Il doit déposer ses recommandations à l'automne.

Les caméras corporelles ont déjà été adoptées par divers corps policiers au pays. Toronto a mis en branle un projet-pilote en mai. Chez nous, les syndicats de la police de Montréal et de Québec, ainsi que de la Sûreté du Québec ont tour à tour réclamé cette technologie, notamment à cause de la prolifération des vidéos citoyennes. Québec envisage maintenant sérieusement d'implanter cette technologie dans la province.

Rapport d'un coroner

Le hasard aura voulu que la première rencontre des membres du comité tombe le jour même où le coroner Paul G. Dionne rendait public un rapport dans lequel il aborde de front la question des caméras individuelles.

Il a enquêté sur la mort de Robert Hénault, 70 ans, qui a perdu la vie à l'été 2013 après avoir été atteint par une balle dans le cadre d'une opération policière visant à le maîtriser.

Dans son rapport, le coroner critique sévèrement le travail d'enquête des policiers sur cet événement et la définition de tâche du nouveau Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), chargé d'enquêter sur les potentielles bavures policières.

Il recommande au ministère de la Sécurité publique d'établir un «protocole national pour l'emploi de caméras personnelles dans les interventions policières», comme il en existe déjà dans d'autres provinces.

«Les rapports rédigés par les policiers du Service de police de la Ville de Montréal contiennent très peu d'information sur les heures de l'intervention et encore moins sur chaque étape de l'intervention [auprès de M. Hénault]», a constaté le coroner durant son enquête de plusieurs mois. Paul Dionne fait le même commentaire au sujet du travail de la Sûreté du Québec, chargée d'enquêter sur l'incident.

«Je ne peux me faire une idée claire. Probablement qu'on a fait le mieux possible en cet après-midi du 26 juillet 2013. Mais peut-être qu'on aurait pu mieux faire?», lit-on dans le rapport.

Il déplore le manque de collaboration des enquêteurs dans le cadre de son travail de coroner. «Dans les cas d'enquêtes indépendantes, le policier est jaloux des éléments sur lesquels il enquêtera, puisqu'il est dans un processus d'enquête criminelle. Il a peu intérêt à fouiller les éléments que le coroner a besoin. Ainsi, dans ce cas, comme bien d'autres, le coroner tente d'obtenir des éléments du suivi de procédure ou d'autres détails qui auraient pu prévenir le décès. C'est pénible et pas limpide. Une enquête publique dans tous les cas de mort d'homme dans une intervention policière semble être la solution», propose Paul Dionne.

Dernières étapes

Le ministère de la Sécurité publique en est aux dernières étapes de la mise sur pied d'un Bureau des enquêtes permanentes pour enquêter sur le travail de la police. Le coroner met toutefois en doute son mandat. «Ce mandat ne semble pas avoir beaucoup de place [pour le] contrôle de qualité du protocole d'intervention appliqué par les policiers et toujours pas de place pour les demandes spécifiques parallèles du coroner», écrit-il. Il suggère d'ailleurs qu'un de ses homologues soit officiellement attaché au nouveau bureau.

Jean-Philippe Guay, attaché de presse de la ministre de la Sécurité publique Lise Thériault, assure que la ministre tiendra compte des recommandations du coroner dès qu'elle en aura pris connaissance. Comme le BEI n'a pas encore entamé ses activités, il est possible que de nouveaux éléments y soient intégrés.

Même son de cloche au Ministère, où on dit «analyser en détail les recommandations».