Il y a exactement 20 ans, le Parti québécois (PQ) remportait une éclatante victoire dans Lévis, la cinquième d'affilée, récoltant pas moins de 72 pour cent du vote et une impressionnante majorité de 12 937 voix. Lundi, dans Lévis, il ne restait plus que 8 pour cent d'électeurs prêts à appuyer le PQ.

Que s'est-il donc passé en seulement 20 ans, entre l'élection générale de septembre 1994 et l'élection complémentaire de lundi, pour que le PQ soit pratiquement rayé de la carte dans cette circonscription francophone, ancien fief de Jean Garon et Linda Goupil, qui était il n'y a pas si longtemps une forteresse péquiste? Comment le PQ a-t-il pu passer en 20 ans de 72 pour cent d'appui à 8 pour cent?

En avril dernier, lors de l'élection générale, le PQ enregistrait déjà une piètre performance, avec 16 pour cent du vote, un score qui a encore chuté de moitié en seulement six mois.

Mardi, au lendemain de la défaite cuisante subie dans Lévis, les visages étaient longs chez les élus péquistes, peu enclins à commenter une telle dégelée.

La leader parlementaire de l'opposition péquiste, Agnès Maltais, a convenu qu'il s'agissait d'une «grosse déception» pour le PQ. Elle a attribué l'ampleur de la défaite à l'absence de chef et à la dynamique du vote du 7 avril, qui s'est répétée lundi. «On n'a pas de chef, alors il n'y a pas cette figure emblématique», a-t-elle tenté comme explication.

Le chef intérimaire du PQ et de l'opposition officielle, Stéphane Bédard, a dit que le parti avait fait le choix délibéré de présenter un jeune candidat local, prêt à rebâtir les ponts avec la population de Lévis. Peu connu, le jeune homme de 27 ans, Alexandre Bégin, est attaché politique du député de Saint-Jean, Dave Turcotte. «C'est sûr que c'est un résultat décevant», a dit M. Turcotte, tout de même content que les libéraux aient mordu la poussière. «Le vrai test, c'était celui du gouvernement», selon lui.

Questionné à savoir s'il s'agissait d'un signal d'alarme pour le PQ, il n'a pas répondu, tournant les talons.

Québec solidaire s'est classé pas loin derrière le PQ, avec 7 pour cent d'appui, et seulement une centaine de votes de moins que son rival souverainiste.

M. Bégin n'ayant pas obtenu au moins 15 pour cent du vote, il n'aura pas droit au remboursement de la moitié de ses dépenses électorales par le Directeur général des élections.

«C'est certain qu'on va en parler au caucus ce matin. On va voir ça», s'est contenté de dire le député de Saint-Jérôme et présumé candidat au leadership du parti, Pierre Karl Péladeau.

La Coalition avenir Québec (CAQ) a raflé Lévis pour la troisième fois de suite lundi, après les victoires de 2012 et du printemps 2014. La circonscription sera désormais représentée par l'ex-animateur de télévision François Paradis.

Lundi soir, le chef de la CAQ et chef du deuxième groupe d'opposition, François Legault, pavoisait, savourant sa victoire. Il en concluait que sa formation formerait désormais, dans les faits, l'opposition officielle.

Stéphane Bédard n'a pas apprécié cette remarque. «Ce n'est pas la grandeur qui l'étouffe, ni dans la défaite, encore moins dans la victoire», a-t-il dit, en parlant de M. Legault, en lui rappelant qu'il restait encore quatre ans avant les prochaines élections générales.

Mardi, en point de presse, il a expliqué le désaveu de la population de Lévis envers le PQ, en faisant valoir que cette formation politique était «déconnectée» de la réalité et des préoccupations des gens.

«Je n'ai pas beaucoup entendu le PQ parler du fardeau fiscal des contribuables. Je n'ai pas beaucoup entendu le PQ parler de l'augmentation des taxes scolaires. Ils l'avaient fait, eux autres aussi, l'année dernière, donc, c'est sûr que, quand ils se chicanent puis qu'ils parlent de la date du référendum, je ne pense pas que ça rejoint les préoccupations des Québécois», selon lui.

Le PQ a régné sans partage sur Lévis lors des scrutins de 1976, 1981, 1985, 1989, 1994 et 1998. La circonscription lui avait échappé de justesse en 2003, passant dans le camp du Parrti libéral du Québec.

Le prochain test pour le PQ sera dans Richelieu, où une autre élection complémentaire doit être déclenchée d'ici le mois de mars, en raison du départ d'Élaine Zakaïb.

Ancienne circonscription de Sylvain Simard, Richelieu, dans la région de Sorel-Tracy, est une forteresse péquiste aux majorités confortables de plus 3000 voix.

Par rapport à Lévis, «Richelieu c'est une autre paire de manches», a dit Agnès Maltais, confiante de répéter les exploits du passé.

Mais François Legault a répliqué qu'il ferait campagne dans Richelieu «pour gagner».