La Coalition avenir Québec veut interdire aux députés de contrôler une entreprise médiatique. Elle a déposé une motion en ce sens à l'Assemblée nationale, mardi, une stratégie qui vise le candidat possible à la chefferie du Parti québécois, Pierre Karl Péladeau.

La motion présentée mardi par le parti de François Legault propose qu'un député « ou un membre de sa famille immédiate, ne puisse d'aucune façon détenir directement ou indirectement la majorité des actions ou une position de contrôle dans une entreprise médiatique ».

« Il est clair pour nous qu'il y a un conflit d'intérêts tant que M. Péladeau sera en politique active comme député tout en étant actionnaire de contrôle de Québecor », a résumé le chef caquiste.

À ses yeux, les médias exercent une influence importante sur le débat public. C'est pourquoi il veut empêcher qu'un député contrôle une entreprise active dans ce domaine.

Le fait de placer les actions de M. Péladeau dans une fiducie sans droit de regard ne serait pas une mesure adéquate, dit M. Legault. Car l'homme d'affaires garderait le contrôle d'un empire médiatique qui comprend le Journal de Montréal, le Journal de Québec et la chaîne TVA.

La motion sera soumise à un vote demain, ce qui veut dire que chacun des 125 élus de l'Assemblée nationale devra se prononcer.

Le gouvernement Couillard n'a pas précisé s'il compte appuyer la motion de la CAQ.

« Dangereux »

Le député Pascal Bérubé, un partisan de M. Péladeau, juge que la manoeuvre de la CAQ est un geste purement partisan.

« Ce qui est dangereux avec la motion de (mercredi), c'est qu'elle discrimine contre un seul député sur 125, a dénoncé M. Bérubé. En ce sens, ce n'est pas de nature à inviter les gens de l'entreprise privée à se lancer en politique. »

Plus tôt dans la journée, des députés du PQ ont souligné que M. Péladeau n'a pas annoncé ses intentions quant à la course à la chefferie et qu'il demeure un simple député. À ce titre, il n'est pas soumis aux mêmes exigences que les ministres. Selon le code d'éthique des députés de l'Assemblée nationale, seuls les membres du cabinet ont l'obligation de se départir de leurs intérêts dans des entreprises ou de les placer dans une fiducie sans droit de regard.

« On a prévu des règles pour tout le monde et on va les appliquer à tout le monde, a dit Stéphane Bédard, chef par intérim du PQ. Il n'y a pas de malaise. »

Il a noté au passage que Radio-Canada est la propriété du gouvernement fédéral et que cette situation n'a pas mis en cause l'indépendance des journalistes de la société d'État.

« PKP » a affirmé en fin de semaine qu'il n'a pas l'intention de se départir des actions que lui a léguées son père, Pierre Péladeau. À son arrivée au caucus des députés péquistes, il a affirmé ne rien avoir à ajouter.

« Je n'ai pas d'autre commentaire que ceux que j'ai fait samedi », a dit M. Péladeau.

« Deux poids, deux mesures »

La question des actions de M. Péladeau a été lancée en fin de semaine par Jean-François Lisée, un autre possible aspirant-chef du PQ. Mais les adversaires politiques ne se sont pas fait prier pour se joindre au débat, mardi.

En matinée, des ministres libéraux ont affirmé que le Parti québécois contredira ses prises de position passées s'il tolère que « PKP » reste actionnaire de contrôle de Québecor tout en briguant la chefferie.

Le premier ministre Philippe Couillard a rappelé - sans le nommer - le cas de l'ex-ministre libéral David Whissell, forcé de démissionner pour éviter de vendre ses parts dans la société d'asphaltage ABC Rive-Nord. Le PQ avait dénoncé cette situation à l'époque, car ABC Rive-Nord recevait des contrats du gouvernement.

«Si les critères existaient à l'époque pour critiquer, pour demander des actions, les mêmes critères doivent être appliqués maintenant par le Parti québécois », a affirmé M. Couillard mardi.

Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, est allé plus loin en affirmant que le PQ ferait « deux poids, deux mesures » s'il permettait à M. Péladeau de se lancer dans la course à la direction alors qu'il contrôle le plus important groupe de presse du Québec.

« Dans la situation actuelle, il est dans une situation où il a le droit, estime M. Barrette. Mais advenant un poste d'une autre nature, il devrait faire les choses comme tout le monde. Et sa situation est très particulière, il est propriétaire d'une entreprise de presse. Je pense que le conflit d'intérêts est très clair. »

Avec la collaboration de Tommy Chouinard