Ils venaient pourtant d'arriver... Deux mois après l'élection, la session parlementaire a pris fin, vendredi, avec le traditionnel bilan des chefs de parti. Un premier regard dans le rétroviseur pour le tout jeune gouvernement Couillard. Un premier bulletin à critiquer pour les partis d'opposition. Trois chefs, trois points de vue sur six semaines intenses.

Alors que les suites de l'évasion de trois dangereux détenus retenaient toute l'attention, Philippe Couillard a peint un portrait flatteur de ses premières semaines au pouvoir, tout en reconnaissant qu'elles prennent fin dans la «controverse».

«Beaucoup a été accompli en peu de temps», s'est-il félicité, ajoutant que son gouvernement a «déjà tenu, en moins de huit semaines, un grand nombre de [ses] engagements».

Le premier ministre s'est dit particulièrement satisfait de la présentation du budget Leitao, «préparé en seulement six semaines» et qui rouvre «les portes de l'espoir». Le document, «passage obligé vers l'équilibre budgétaire en 2015-2016», a été adopté hier avec les seules voix des députés libéraux.

«Si on veut pouvoir nous donner les moyens de la solidarité, mieux soigner, mieux éduquer, mieux soutenir les personnes vulnérables, ça passe nécessairement par des finances publiques équilibrées, a-t-il souligné. Comme je l'ai dit déjà, les programmes sociaux de solidarité, sur la carte de crédit, ce n'est que du vent.»

M. Couillard a aussi souligné l'adoption de la loi autorisant l'aide médicale à mourir («Mourir dans la dignité») en félicitant tous les parlementaires impliqués pour leur collaboration et leur travail.

Sur le plan personnel, le premier ministre a semblé exulter lorsqu'un journaliste lui a demandé s'il était heureux dans ses nouvelles fonctions. «Je n'ai jamais eu un emploi aussi stimulant et exaltant, a-t-il dit. Le niveau de stimulation intellectuelle dans l'emploi que j'ai, ça n'a pas d'équivalent. Et j'ai besoin de ça.»

Le gouvernement «des promesses brisées»

Les ratés du gouvernement dans le dossier des évadés d'Orsainville ne sont que les derniers symptômes d'un dérapage complet et généralisé du gouvernement au cours de ses premières semaines de mandat, a plaidé hier le chef de l'opposition officielle péquiste.

Philippe Couillard a rompu l'un après l'autre les engagements qu'il a pris en campagne électorale, a fait valoir Stéphane Bédard, se félicitant du même souffle d'avoir constitué une opposition «constructive, vigilante et intraitable sur certains points».

«Les promesses brisées, moi, c'est ça que je retiens de l'action gouvernementale, a dit M. Bédard. Et beaucoup d'inquiétude pour les familles et les travailleurs. Et pour l'emploi, pas de mesures concrètes.» Au nombre des engagements rompus, il cite la hausse des tarifs d'électricité et des taxes sur l'alcool qui alourdissent le fardeau fiscal des citoyens. Le gouvernement «est plutôt insensible face aux besoins de la population», a-t-il tranché.

Le seul événement des deux dernières semaines qui passera à l'histoire? L'adoption du projet de loi «Mourir dans la dignité».

Par ailleurs, le chef intérimaire du Parti québécois (PQ) a qualifié à plusieurs reprises le gouvernement Couillard et son premier budget de «libéralo-caquiste», afin, dit-il, de souligner le haut degré de connivence entre les deux formations politiques. La situation fait d'ailleurs de l'équipe péquiste «la seule véritable opposition au gouvernement», a-t-il ajouté.

Quant à sa propre performance en qualité de chef, Stéphane Bédard dit laisser le soin aux Québécois d'en juger. «On s'est ressaisis rapidement de la dernière élection», s'est-il tout de même félicité.

5 sur 10 pour le gouvernement

François Legault se dit mi-figue, mi-raisin après les deux premiers mois de vie du gouvernement Couillard.

S'il a apprécié les mesures de rigueur budgétaire mises de l'avant dans le premier budget Leitao, le gouvernement ne comprend pas comment relancer l'économie du Québec pour combler son retard avec les autres provinces, a accusé le chef caquiste.

«Je pense [qu'il mérite] 10 sur 10 sur les objectifs de contrôle des dépenses, mais 0 sur 10 sur la relance économique, a évalué François Legault quand on lui a demandé de noter la performance du gouvernement. Donc, ça fait une moyenne de 5 sur 10.»

Comme ses collègues péquistes, M. Legault a pointé du doigt ce qu'il considère comme des engagements reniés par Philippe Couillard.

«Je pense qu'on a assisté à un faux départ, a-t-il attaqué. On avait quelqu'un qui avait fait beaucoup de promesses durant la campagne, et plusieurs de ces promesses ont été brisées.»

La plus importante? Le chef de la CAQ craint que le ministre des Finances Carlos Leitao ne soit en train d'ouvrir toute grande la porte à un alourdissement du fardeau fiscal des Québécois. Son refus d'exclure la possibilité que sa réforme de la fiscalité passe par le portefeuille des contribuables inquiète François Legault au plus haut point.

«Je pense que le premier et le grand perdant de ces deux premiers mois, bien, ce sont les contribuables», a-t-il déploré, soulignant la hausse des tarifs d'électricité et des taxes scolaires permises par le gouvernement Couillard.