Le gouvernement péquiste a déposé mercredi un projet de loi pour récupérer plusieurs centaines de millions de dollars versés en trop à des entreprises du secteur de la construction qui ont commis des malversations.

Le document vise à offrir aux entreprises de rembourser les sommes qu'elles auraient perçues injustement et à faciliter les poursuites civiles en l'absence de démarche volontaire des fautifs.

Le ministre de la Justice, Bertrand St-Arnaud, a expliqué que le projet de loi 61 permettra de faire passer le délai de prescription de trois à cinq ans. Il permettra aussi aux procureurs d'utiliser les faits exposés devant la commission Charbonneau, dont le mandat couvre une période rétroactive de 15 ans.

Si elles veulent éviter des poursuites, les entreprises du secteur de la construction ou du génie-conseil pourront volontairement choisir de profiter d'un programme de remboursement, dont l'administration sera confiée à une personne indépendante, comme un ancien juge, a indiqué M. St-Arnaud en conférence de presse. Une entente dans ce cadre n'empêchera toutefois pas les poursuites criminelles qui pourraient être intentées contre des individus.

«On va inviter les entreprises à venir nous dire qu'elles sont prêtes à nous rembourser sur ces contrats, et évidemment sans qu'il y ait une amnistie, a dit le ministre. Évidemment, si, sur un contrat précis, il y a une entente, il n'y aura pas de poursuite civile.»

Le président du Conseil du trésor, Stéphane Bédard, a déclaré que plusieurs centaines de millions de dollars pourraient ainsi être récupérés par l'État. M. Bédard a affirmé que les démarches d'une entreprise pour rembourser des sommes perçues en recourant par exemple à des stratagèmes de corruption ou collusion n'auront aucun effet positif sur son aptitude à obtenir des contrats.

«Ce que ça va leur permettre, c'est redorer leur image, montrer qu'ils sont de bons citoyens corporatifs, qu'ils ont constaté les erreurs de leurs administrateurs, de leurs employés, et qu'ils sont prêts à faire amende honorable», a-t-il dit.

Depuis l'an dernier, toutes les entreprises qui veulent obtenir des contrats publics doivent obtenir une autorisation de l'Autorité des marchés financiers, qui peut refuser dans les cas où se posent des questions d'intégrité, une démarche qui suivra son cours de façon indépendante, a assuré M. Bédard.

«L'habilitation va suivre son cours, elle, normalement, a-t-il dit. On ne peut pas acheter une habilitation. On ne peut pas acheter une intégrité au Québec. Ça, c'est une règle qui est claire, qui est sans nuance, qui ne souffre aucune interprétation.»

En vertu du projet de loi, le gouvernement pourra diriger un recours contre une entreprise au nom de ministères, organismes ou municipalités qui auraient été victimes de malversations, a indiqué M. St-Arnaud.

«Nous croyons qu'une telle façon de faire permettra une utilisation plus efficace des ressources collectives du gouvernement et des organismes publics, une diminution des coûts, tout en évitant d'utiliser à outrance les ressources judiciaires déjà très sollicitées», a-t-il dit.

Le projet de loi introduirait aussi la notion de présomption de dommages, dont le gouvernement pourrait se prévaloir en cas de poursuite contre une entreprise.

«Ainsi, ce serait à l'entreprise de démontrer le montant exact des dommages causés, sans quoi elle serait condamnée minimalement aux dommages établis selon la méthode de calcul qu'adoptera le gouvernement», a dit le ministre St-Arnaud.

M. Bédard a affirmé que le gouvernement favorise la voie des ententes afin d'éviter de coûteuses et complexes procédures judiciaires dans des cas de corruption ou collusion.

«Pourquoi il y a autant de dénonciations d'actes de corruption ou de collusion dans les dernières années, mais qu'il y a si peu de poursuites? C'est que, dans les faits, au niveau juridique, le dommage, il est très dur à démontrer», a-t-il dit.

Le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault, a estimé que le projet de loi du gouvernement manquait d'incitatifs pour les entreprises qui pourraient rembourser des sommes reçues en trop.

«On demande aux entreprises de se déclarer sur une base volontaire, on ne leur promet aucune amnistie, a-t-il dit. Il me semble qu'il faut donner un incitatif aux entreprises, il faut effectivement leur dire que tant qu'elles n'ont pas remboursé, il n'y a pas de contrats et quand elles auront remboursé elles auront des contrats.»

Le chef libéral, Philippe Couillard, a affirmé qu'en plus de son plan pour se faire rembourser, le gouvernement devrait aussi mettre en place des mesures pour aider des secteurs comme le génie-conseil.

«Oui, on veut récupérer les sommes, mais l'avenir de notre industrie est important, des emplois, des familles qui dépendent du secteur du génie, a-t-il dit. C'est quoi le plan d'avenir pour ce secteur qui a fait la fierté du Québec pendant longtemps?»