Après avoir proposé que l'Assemblée nationale choisisse le lieutenant-gouverneur du Québec, le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, Alexandre Cloutier, a fermé la porte à cette option, affirmant que son seul objectif est l'abolition de ce poste honorifique.

M. Cloutier avait tenté de déposer l'automne dernier une motion, qui n'a pu être débattue en raison du refus des libéraux, dans laquelle il réclamait l'abolition de cette fonction et, dans l'intervalle, la possibilité pour les élus de choisir le candidat qui serait nommé par Ottawa.

Mais lors d'une entrevue, M. Cloutier a rejeté cette dernière option, alors que des signaux d'ouverture provenaient pourtant du camp libéral à ce sujet.

Plutôt que de saisir la perche tendue par l'ex-ministre Benoît Pelletier, M. Cloutier a accusé ses adversaires de faire fausse route en tentant de moderniser une fonction dont il souhaite la disparition.

Le ministre péquiste a soutenu qu'il voulait éviter de donner plus de légitimité au lieutenant-gouverneur en appuyant sa nomination sur un choix de l'Assemblée nationale.

La motion, proposée en novembre dernier par le ministre, stipulait que d'ici à l'abolition du poste de représentant de la reine au Québec, «l'Assemblée nationale réclame que le gouvernement fédéral nomme dorénavant comme titulaire du poste de lieutenant-gouverneur la personnalité qu'elle aura elle-même désignée démocratiquement».

«Nous notre but, ce n'est pas de modifier le processus de nomination, notre objectif c'est de se débarrasser du poste de lieutenant-gouverneur», a dit M. Cloutier vendredi.

«Augmenter la légitimité d'un vice-roi, vous aurez compris que nous on n'est pas dans cet univers-là.»

Le ministre a jugé que la fonction de lieutenant-gouverneur ne sert à rien et que les Québécois veulent s'en débarrasser.

«À notre point de vue, c'est une fonction archaïque qui ne correspond pas aux valeurs des Québécois», a-t-il dit.

Lui-même ancien ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, Benoît Pelletier a affirmé vendredi que les libéraux pourraient être d'accord pour doter l'Assemblée nationale du pouvoir de choisir le lieutenant-gouverneur du Québec.

M. Pelletier a d'ailleurs pointé vers une résolution adoptée par les militants libéraux au conseil général de mai dernier, favorable à une modernisation du processus de nomination.

«C'est certainement quelque chose qui doit être examiné, même par le Parti libéral du Québec, a-t-il dit. La proposition 66, c'est ça qu'elle dit, qu'on doit moderniser les façons de nommer le lieutenant-gouverneur.»

Selon M. Pelletier, la fonction de lieutenant-gouverneur aurait une légitimité plus grande si les élus pouvaient se prononcer sur son choix.

«On rend la fonction mieux adaptée au contexte contemporain, on démocratise davantage la fonction, a-t-il dit. Ça permet aux élus de l'Assemblée nationale de se prononcer sur la question, c'est davantage au goût du jour.»

Selon l'ancien ministre, cela pourrait se faire sans modification à la Constitution puisqu'Ottawa conserverait le pouvoir de nommer le représentant de la reine au Québec.

M. Pelletier s'est étonné que le gouvernement péquiste ait proposé l'automne dernier le choix du lieutenant-gouverneur par l'Assemblée nationale, en raison de la légitimité que cela accorderait au candidat retenu.

«Normalement ça ne devrait pas être un objectif recherché par le PQ, je comprends mal le jeu, a-t-il dit. Ont-ils mesuré toutes les conséquences?»

Un porte-parole de la Ligue monarchiste du Canada, Étienne Boisvert, a affirmé que le choix du lieutenant-gouverneur par les élus pourrait augmenter le risque de politiser cette fonction qui se veut neutre.

«Ça pourrait politiser cette nomination et augmenter sa légitimité démocratique, ça pourrait lui donner un droit de regard ou un pouvoir plus important dans la prise de décisions politiques», a-t-il dit.