La Coalition avenir Québec (CAQ) a adopté à toute vapeur, samedi, son tout premier programme sans changer ou presque ce qui était cher à François Legault. Mais surprise: les 600 délégués ont mis de côté sa proposition pour dénouer le conflit avec les étudiants.

Ce revirement est le seul survenu dans ce congrès de fondation qui fut, dans l'ensemble, ordonné et expéditif. Et il n'a pas empêché François Legault de faire pression sur le premier ministre Jean Charest pour convoquer une «rencontre de la dernière chance», lundi, avec les associations étudiantes. Le chef caquiste disait vendredi que Jean Charest, «ce gars-là», «n'a plus la légitimité pour gérer le Québec». Il ne réclame pourtant pas des élections immédiates, car selon lui «on ne doit pas attendre une campagne de 35 jours pour régler le dossier».

«Il faut mettre fin à cette confrontation dont personne ne bénéficie», a-t-il lancé dans un discours clôture énergique, sous les applaudissements nourris des militants.

M. Legault appuie la hausse des droits de scolarité. Les discussions doivent plutôt porter sur la gestion des universités et l'accessibilité aux études supérieures, selon lui.

Le conflit avec les étudiants «met en lumière le manque évident de leadership politique au Québec», a-t-il plaidé. «Le Québec n'a besoin ni du Jell-O» de Pauline Marois, «ni du béton» de Jean Charest. «Il a besoin de gros bon sens, et c'est nous», a-t-il ajouté devant ses militants enthousiastes.

Il était visiblement satisfait d'avoir franchi l'étape cruciale que constitue ce congrès. «Il vente fort depuis quelques mois», a-t-il reconnu alors que son parti a chuté dans les intentions de vote. «Il va venter fort dans les prochains mois. Mais j'ai appris une chose en aviation: C'est face au vent qu'on fait lever les avions», a ajouté le co-fondateur d'Air Transat sous les applaudissements nourris.

François Legault a appelé ses militants à «se relever les manches» et à préparer la prochaine campagne électorale. «Après toutes ces années avec les souverainistes et les fédéralistes, ça nous prend des nationalistes au pouvoir», a-t-il plaidé, larguant l'étiquette autonomiste de l'Action démocratique du Québec (ADQ). «Les Québécois comptent sur nous. J'ai la conviction que si vous m'aidez, la Coalition gagnera la prochaine élection, et le Québec gagnera. Relançons le Québec!» a-t-il lancé.

Deux heures en atelier, puis deux heures en plénière ont suffi pour adopter 54 propositions. Cinq autres ont été renvoyées à la commission politique pour être retravaillées. Dont celle prévoyant une bonification du régime de prêts et bourses et l'instauration d'un mode de remboursement des dettes d'études proportionnel au revenu. Une jeune militante, Émilie Simonet, a convaincu l'assemblée que la proposition manque de précision. Ironiquement, le candidat dans Vachon, Jean-François Roberge, avait invité les délégués en atelier à ne pas «revirer de bord» le chef sur une mesure qu'il avait défendue sur la place publique. M. Legault et son député Éric Caire avaient vanté cette proposition «concrète» en conférence de presse au parlement à la fin mars. Au terme du congrès, le chef a minimisé l'affaire, insistant pour dire que le différend ne porte que sur la «mécanique» de la mesure.

En plénière, l'abolition des commissions scolaires comme celle des agences régionales de la santé sont passées comme une lettre à la poste. L'idée d'augmenter de 20% le salaire des enseignants, de les évaluer et de créer un ordre professionnel n'a pas fait l'objet de débat. Idem pour le projet-pilote visant à permettre à des médecins de pratiquer à la fois dans le public et le privé. Des réticences s'étaient toutefois fait entendre en atelier sur cette mesure héritée de l'Action démocratique du Québec. Les caquistes se sont facilement entendus sur l'obligation d'un vote à scrutin secret pour l'accréditation syndicale des travailleurs.

«On a a commencé à définir l'ADN de la Coalition», s'est réjoui François Legault. Selon le programme adopté, un gouvernement caquiste indexerait au coût de la vie les tarifs en garderie subventionnée. Il reconnaîtrait les services de garde comme un service essentiel afin d'encadrer le droit de grève. Il rendrait «pleinement imputable» les dirigeants des CHSLD quant à la qualité des soins aux ainés. La présidente de la CAQ, Dominique Anglade, a promis « d'étoffer » une proposition visant à promouvoir la culture québécoise que des délégués ont jugé trop «faible».

Les propositions défilaient si rapidement que des militants en perdaient le fil. «Est-ce qu'on a voté la 17? J'ai l'impression que ça été vite un peu», a dit une déléguée. «On est rendu à la proposition 20...» a répondu Mathieu Campion, qui présidait l'assemblée.

L'abolition du cours d'éthique et de culture religieuse (ECR) au primaire a fait un peu plus de vague. Une enseignante de Deux-Montagnes a vanté les mérites de ce cours, mais le député Éric Caire a convaincu l'assemblée que « c'est le travail des parents », pas de l'État, de «transmettre les valeurs aux enfants». Sylvain Lamontagne, président de la Coalition pour la liberté en éducation, a tenté en vain de faire en sorte que le cours ECR, ce «lavement de cerveaux», soit également aboli au secondaire. Il avait manifesté sa frustration en atelier alors que l'on coupait court aux discussions. « On ne veut pas de mainmise sur le congrès svp!», avait-il lancé.

Les ateliers avançaient d'ailleurs un peu trop rondement au goût de participants. Le ton a monté dans l'atelier sur la santé lorsqu'un délégué a demandé que s'identifie l'apparatchik qui intervenait fréquemment pour éviter que les résolutions produites par l'exécutif du parti ne soient trop modifiées. «Je suis le vice-président de votre parti», a répliqué Richard Thibault, sans appel. Mais dans l'ensemble, à peine quelques notes discordantes ont été entendues dans ce congrès plutôt harmonieux.

François Legault se défend d'avoir cherché à limiter les échanges. «Je ne sens pas que je sors d'ici sans qu'il y ait eu de débats sur les sujets importants», a-t-il dit, rappelant qu'une tournée de consultation avait eu lieu avant le congrès.

- Avec Denis Lessard