Dans une requête qu'il a présentée devant la Cour supérieure, le gouvernement du Québec critique sévèrement une décision de la Commission des relations du travail, lui reprochant d'avoir outrepassé sa juridiction et de s'être arrogé le droit de «faire des choix politiques» et de «s'immiscer dans la gestion des finances publiques».

Cette requête, dont La Presse Canadienne a obtenu copie, est celle que Québec vient de déposer pour interjeter appel de la décision de la Commission des relations du travail, qui l'avait blâmé, le 30 janvier dernier, pour avoir négocié de mauvaise foi lors des négociations du secteur public de 2005.

Dans cette décision, la commission blâmait aussi Québec pour avoir inclus l'équité salariale dans la négociation avec les organisations syndicales.

Or, dans sa requête en révision judiciaire, Québec n'y va pas de main morte, décrivant la décision de la Commission des relations du travail comme «une décision manifestement déraisonnable, inintelligible, totalement irréconciliable avec la preuve présentée». Et il qualifie le raisonnement sur lequel elle est basée d'«inquiétant» et de «défectueux».

Le gouvernement reproche à la commission de l'avoir blâmé pour avoir négocié de mauvaise foi avec le secteur public, simplement parce qu'il a maintenu la même politique de rémunération du début à la fin face aux syndiqués du secteur public. Le gouvernement argue qu'en maintenant la même politique de rémunération, il a simplement voulu tenir compte de sa capacité de payer et le dire aux syndicats en toute transparence.

Il affirme que le raisonnement suivi par le commissaire dans sa décision «impose aux employeurs d'adopter une méthode de négociation dite «macho», c'est-à-dire de «cacher son jeu» et de bonifier à petits pas ses offres, de façon à ce qu'il puisse démontrer qu'il a «bougé»» dans cette négociation plutôt que de s'en tenir à sa politique de rémunération.

Le gouvernement estime aussi avoir été injustement blâmé par la commission pour avoir inclus l'équité salariale dans la négociation avec les organisations syndicales. «Le commissaire du travail s'est arrogé une juridiction qu'il n'avait pas en blâmant le Conseil du trésor dans sa conduite du dossier de l'équité salariale, alors même qu'aucune plainte à cet effet n'a été déposée», écrit-il dans sa requête.

Mais le gouvernement critique surtout la commission pour avoir outrepassé son mandat avec cette décision. «Les défendeurs (la commission et le commissaire au dossier) s'arrogent donc l'autorité, sans droit aucun, de faire des choix politiques, de s'immiscer dans la gestion des finances publiques et de déterminer quels sont les postes de dépenses dont le gouvernement aurait ou n'aurait pas le droit de tenir compte. Cette interprétation est incorrecte et choquante», affirme-t-on dans la requête en révision.

Le gouvernement affirme aussi dans sa requête que la commission n'avait pas la compétence pour se saisir des plaintes des syndicats, puisque l'adoption d'une loi spéciale sur le renouvellement des conventions collectives du secteur public, finalement, «a eu pour effet direct de mettre fin à toute négociation», c'est-à-dire à la période durant laquelle les parties doivent négocier de bonne foi.

En conséquence, le gouvernement demande à la Cour supérieure de réviser la décision de la Commission des relations du travail, de déclarer qu'elle n'avait pas la compétence pour se saisir des plaintes des syndicats, de déclarer que le gouvernement a négocié de bonne foi et de déclarer que les syndicats ont négocié de mauvaise foi.

Lors de la ronde de négociation du secteur public en 2005, les représentants gouvernementaux avaient prévenu dès le départ que le gouvernement n'offrirait que 12,6 pour cent d'augmentations salariales pour six ans, incluant le règlement du dossier de l'équité salariale.

La Commission des relations du travail avait conclu, à la fin du mois de janvier dernier, que l'attitude fermée du gouvernement démontrait qu'il avait bel et bien négocié de mauvaise foi, du moins en ce qui concerne les salaires.

De plus, le commissaire Louis Garant avait critiqué le gouvernement pour avoir voulu inclure dans la négociation le règlement de l'équité salariale. L'employeur, avait-il conclu, a «une obligation de résultat dans l'atteinte de l'équité salariale» et «ne peut donc la négocier au rabais puisqu'une entreprise ne peut être justifiée d'asseoir sa rentabilité sur la sous-évaluation du travail des femmes».