Le gouvernement «s'attend à ce que la loi soit respectée», a prévenu mercredi le premier ministre Jean Charest à l'intention du maire de Huntingdon, Stéphane Gendron.

«Nous avons eu un long débat sur les lois linguistiques au Québec et nous en sommes arrivés à un certain nombre de consensus que reflète la loi. Et nous nous attendons à ce qu'elle soit respectée», a fait valoir le premier ministre au sujet de la sortie du maire Gendron contre la Charte de la langue française.

Le maire de la petite bourgade de la Montérégie - moins de 2500 habitants - est parti en guerre contre la loi 101, jugeant «raciste» et «discriminatoire» l'obligation d'utiliser le français dans les communications avec les citoyens.

Au nom de sa minorité anglophone, le conseil municipal demande une révision de la Charte de la langue française pour permettre aux villes de transiger avec les citoyens indistinctement en anglais ou en français.

Le politicien municipal, qui est aussi animateur à la télévision, a fait savoir de son côté qu'aucune sanction ne le fera reculer dans sa volonté de servir sa population en anglais.

«C'est clair, net et précis, peu importe qu'il y ait des condamnations, des amendes, des menaces, des injonctions, on va toujours continuer de servir notre population en anglais. On parle de nos anglophones qui représentent 40 et quelques pour cent de la population. Ce n'est pas une loi qui n'a pas d'allure qui va nous empêcher de respecter notre monde», a déclaré M. Gendron.

Saisi d'une plainte à la fin du mois de janvier concernant l'envoi de documents bilingues par la ville de Huntingdon, l'Office québécois de la langue française (OQLF) a ouvert une enquête et a promis, mercredi, d'agir promptement dans cette affaire.

L'Office «ne va pas baisser la garde» et va «s'assurer du respect de la Charte», a dit la présidente-directrice générale de l'OQLF, Louise Marchand.

«Si tant est qu'on est incapable de convaincre la ville de Huntingdon de respecter la loi, on va envoyer une mise en demeure, on va lui laisser le temps requis en vertu des règles d'équité procédurale et ensuite on va saisir le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) du dossier, n'ayez aucun doute», a-t-elle affirmé.

Le délai moyen pour le traitement des plaintes à l'OQLF est de 8,2 mois mais le cas de Huntingdon «est particulier», a ajouté Mme Marchand.

«On a mis une priorité sur ce dossier-là, il est sur une voie rapide et des inspections seront faites dans les prochains jours», a-t-elle dit.

Pour une personne morale, comme c'est le cas pour la ville de Huntingdon, la loi prévoit des amendes variant entre 1500 $ et 20 000 $, le double en cas de récidive.

En vertu de la Charte, seules les municipalités dont la population compte plus de 50 pour cent de citoyens de langue maternelle anglaise peuvent être reconnues comme «bilingues» et par conséquent, autorisées à offrir des services systématiquement dans les deux langues.

Avec un peu plus de 40 pour cent de résidants anglophones, la ville de Huntingdon ne répond pas à ce critère et est considérée, aux yeux de la loi, comme une municipalité de langue française dont les communications avec les citoyens se font dans la langue de Molière.

Pour le député péquiste Yves-François Blanchet, le gouvernement doit intervenir avec «sévérité» pour court-circuiter la résolution de défi à la loi 101 votée par Huntingdon.

À défaut d'une riposte immédiate, la fronde contre la Charte risque de faire tache d'huile, a soutenu le porte-parole du Parti québécois en matière de langue.

Si les amendes ne suffisent pas, le ministère des Affaires municipales dispose des pouvoirs nécessaires pour faire annuler la décision du conseil de ville, a-t-il soulevé.

Le député de Drummond reproche au gouvernement libéral de rester les bras croisés devant l'accumulation des cas d'infraction aux dispositions de la loi 101 dans les municipalités.

Par crainte de perdre l'appui de sa clientèle anglophone, le Parti libéral a abandonné la protection de la langue de la majorité québécoise, a-t-il accusé.

Le député refuse toutefois d'accorder trop d'importance aux commentaires du maire Gendron selon lesquels la loi 101 est une législation «raciste».

«Il veut de la publicité, il fait de la télé, il fait de la provocation sur la place publique, c'est sa «game». Il s'apprête à se retirer de la mairie alors il fait un «stunt» publicitaire pour mousser sa cote d'écoute», a dit M. Blanchet.