Un «observateur», membre du nouveau «Bureau civil de surveillance», sera mandaté pour contrôler chaque enquête «indépendante» où des policiers auront à se pencher sur les interventions de leurs pairs qui ont débouché sur un décès ou une blessure grave.

Ces observateurs seront «les yeux de la population» sur ces enquêtes dont l'impartialité est, depuis longtemps, mise en doute dans la population, explique le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil.

À l'Assemblée nationale, vendredi matin, il a déposé le projet de loi 46, qui instituera le nouvel organisme, formé d'un directeur et d'un directeur adjoint nommés par le conseil des ministres et de six membres. On veut recruter des magistrats à la retraite ou des avocats admis au Barreau depuis plus de dix ans, pour que les observateurs aient une bonne connaissance en matière d'enquête. Ces observateurs ne devront pas avoir eu des liens d'emploi dans le passé avec des corps policiers. Ils ne participeront pas directement aux enquêtes, mais observeront leur bon déroulement. «On ne lui demande pas de faire l'enquête, mais de vérifier si elle se fait de façon impartiale».

On prévoit un budget de 1,5 million $ annuellement.

Sur le terrain toutefois, les enquêtes continueront d'être réalisées par des agents issus d'un corps policier différent de celui des policiers qui font l'objet d'une enquête. Le ministre Dutil a expliqué qu'il n'avait pas retenu la proposition de la Protectrice du citoyen, Raymonde Saint-Germain, qui proposait le modèle ontarien, un bureau indépendant, mais où peuvent siéger d'anciens policiers. Dans son constat, Mme St-Germain soulignait que le fait de laisser les enquêtes à des policiers, «mine à la base même l'indépendance de ces enquêtes».

En dépit de l'appréciation de Mme Saint-Germain, «le modèle ontarien n'est pas le meilleur modèle au Canada», tranche M. Dutil. La présence d'ex-policiers sur l'organisme ontarien ne règle pas le problème de perception selon lui. Mme Saint-Germain, qui désirait qu'on mette un terme aux enquêtes de policiers sur des policiers, compte se faire entendre dans les consultations publiques qui se tiendront d'ici la mi-février.

Le projet de loi reflète fidèlement les attentes des syndicats de policiers, le ministre Dutil se défend d'avoir été perméable à ces lobbies.  La formule choisie «est pour nous la plus efficace», insiste-t-il. Il fallait selon lui que les enquêtes restent faites par des policiers, qui possèdent l'expertise nécessaire. Mais, il fallait ajouter un encadrement qui rassure la population quant à l'impartialité de ces enquêtes, a-t-il expliqué. La décision n'est pas le fruit d'un compromis. «Je n'ai pas coupé la poire en deux» insiste-t-il.

Le nombre restreint de cas qui ont débouché sur des accusations de policiers - 3 cas sur 339 enquêtes en dix ans- ne l'inquiète pas outre mesure; les statistiques en Ontario sont comparables. Des directives suivront le projet de loi, pour préciser que les «observateurs» seront dépêchés sur le lieu des enquêtes «dans les 24 heures», on précisera aussi que les interrogatoires de policiers doivent être réalisés dans les 72 heures suivant l'incident.

Pour le critique péquiste Stéphane Bergeron, le nouveau bureau est «un pas en avant», mais il faut se demander «pourquoi le ministre s'est arrêté en route et n'a pas suivi les recommandations de la Protectrice du citoyen». Ils'interroge sur le délai de 72 heures avant les interrogatoires des policiers présents sur la scène toutefois. Dans l'affaire Villanueva, un long délai avait semé des doutes sur la possibilité pour les policiers «d'accorder leurs flûtes».

Denis Côté, le président de la Fédération des policiers municipaux -les policiers de toutes les villes québécoises hormis Québec et Gatineau- se disait satisfait des arbitrages du ministre Dutil. «Les enquêtes relèvent toujours de policiers d'expérience. On aura la meilleure formule au Canada. On a toujours été conscients des problèmes de perception quant à l'impartialité de ces enquêtes». Le délai avant d'interroger les policiers, est nécessaire. «On doit avoir la possibilité de protéger nos membres», observe le syndicaliste.