C'est le «chaos et l'incohérence» dans la gestion que fait le gouvernement du Québec du réseau des garderies. De la délivrance des permis à l'inspection, le ministère de la Famille a perdu la maîtrise d'un système qui coûte plus de 2 milliards par année aux Québécois.

Le vérificateur général du Québec, Renaud Lachance, va ainsi donner une volée de bois vert au ministère de la Famille et des Aînés, où Yolande James a pris le relais de Tony Tomassi, au printemps 2010. Il s'agit du dernier rapport de M. Lachance, son mandat de 10 ans se terminant avec ce dernier portrait de l'administration publique.  

Des sources proches du vérificateur et au sein du gouvernement ont confirmé à La Presse que «le manque de cohérence» au Ministère en ce qui a trait aux garderies est le point saillant de ce dernier rapport, bien que l'aide sociale et le ministère des Transports aient aussi leur part de blâme dans le document qui sera déposé demain, à l'Assemblée nationale. Le portrait de la gestion quotidienne du ministère de la Famille n'est pas flatteur - la ministre James répliquera que des correctifs ont été apportés depuis la crise du printemps 2010.

Jusqu'ici, le président de l'Association des garderies privées, Sylvain Lévesque, et la critique péquiste dans ce dossier, Marie Bouillé, avaient spéculé sur le contenu du rapport.

Il y a 18 mois, après que le député péquiste Nicolas Girard eut révélé, à l'Assemblée nationale, bien des lacunes dans l'administration du réseau des garderies, le vérificateur a délégué deux ou trois comptables au ministère de Tony Tomassi; ce sont leurs observations qui constituent le plat de résistance du rapport.  

Le vérificateur constate notamment «des lacunes ayant trait à la planification, à la fréquence et au suivi des manquements» touchant les inspections dans l'ensemble des centres de la petite enfance (CPE).

Le vérificateur déplore «le manque de suivi» dans l'inspection des centres de la petite enfance, explique-t-on. Sur l'ensemble du territoire québécois, on n'applique pas les mêmes normes, les mêmes critères pour évaluer la gestion des garderies.

Un grand réseau

Au 31 octobre 2011, il y avait 1423 CPE publics offrant 83 576 places. Il y avait 649 garderies subventionnées pour un total de 40 694 places et 445 garderies privées et non subventionnées, pour 23 645 places. Ce dernier secteur a augmenté très rapidement et est beaucoup moins contrôlé par le Ministère.

Des sources proches du dossier soulignent que le vérificateur soulève des doutes sérieux sur la qualité et la fiabilité des analyses faites par le Ministère tant pour la délivrance des permis que pour les inspections des garderies en activité. C'est la remise des permis en 2008 qui se trouve sous la loupe - on s'interroge sur le fait que certains groupes ont reçu le feu vert, tandis que d'autres, similaires, n'ont pas obtenu des fonctionnaires une cote suffisante pour obtenir un permis.

Le Ministère voudra répliquer qu'il y a eu longtemps un manque important d'inspecteurs. D'où le manque de cohérence des inspections - d'une région à l'autre, les critères d'admissibilité variaient de façon importante.  

À l'époque, ces critères dépendaient des directions régionales et ont été depuis centralisés à Québec, répondra le Ministère. Toutefois, dans le milieu, où on ne constate pas d'amélioration, on dénonce depuis deux ans l'application arbitraire des critères d'inspection dans certaines régions, dans le Nord-Ouest (Laval, Lanaudière et Laurentides) notamment.

Le rapport soulève aussi le manque de suivi de l'application des «programmes éducatifs» que s'engagent à offrir les garderies au moment de leur autorisation. Ce problème est «généralisé au Québec», résume-t-on. Dans le cadre des analyses, le Ministère ne vérifie pas si le programme est suivi selon les engagements pris au moment de la délivrance du permis. Les inspecteurs s'occupent uniquement de l'organisation matérielle des services de garde et restent indifférents à l'encadrement pédagogique des enfants.

Nouvelle sous-ministre débordée

Le gouvernement ne respecte pas davantage les délais prévus par les règlements. Par exemple, il ne doit pas s'écouler plus de six mois entre une demande de permis et la réponse de Québec, un délai qui est constamment et largement dépassé. Le délai entre l'obtention d'un permis de garderie et l'ouverture tangible de places pour les enfants pose également problème. La nouvelle sous-ministre, Line Bérubé, auparavant à la Santé, est débordée et beaucoup de problèmes se trouvent dans la cour d'un sous-ministre adjoint, Jacques Robert, responsable des mesures d'inspection et du suivi des subventions.

Quand il a lancé l'opération de vérification, au printemps 2010, M. Lachance a rappelé qu'il n'avait pas mis le nez au ministère de la Famille depuis un long moment. «C'est un ministère au budget important, plus de 2 milliards de dollars, et ça fait plus de 10 ans qu'on n'a pas conduit de vérification dans leur ministère», a-t-il expliqué à l'époque, quand le ministre Tomassi était chaque jour sur la sellette à l'Assemblée nationale.

M. Lachance a vite réagi quand, à l'Assemblée nationale, l'opposition a dénoncé un marché de revente de permis de garderies privées, un «racket», a accusé le député de Gouin, Nicolas Girard, alors responsable du dossier.