Pour s'opposer à la fin du placement syndical sur les chantiers de construction, la FTQ a pris la défense des patrons. Elle a dit craindre «la faillite de centaines d'entrepreneurs». Mais la ministre se montre inflexible, et les entrepreneurs eux-mêmes l'appuient.

Alors que les travailleurs retournaient mercredi sur les chantiers à sa demande, le président de la FTQ, Michel Arsenault, a plaidé sa cause en commission parlementaire.

«Si tu n'as pas les bons hommes à la bonne place, ça peut faire la différence entre perdre ou non de l'argent sur un contrat [...]. Il y a 150-250 entrepreneurs qui nous le disent eux-mêmes», a-t-il lancé.

Le projet de loi 33 mettra fin au placement syndical. La Commission de la construction du Québec (CCQ) s'en chargera désormais. La FTQ-Construction et le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (CPQMC-I), qui représentent 70% des 155 000 travailleurs, s'y opposent farouchement. La CSN est en faveur.

Compromis syndical

Selon la FTQ, il s'agirait d'une nouvelle bureaucratie coûteuse, vulnérable au travail au noir et incapable de choisir les meilleurs ouvriers. Mais les employeurs pensent le contraire.

Malgré certaines réserves, parmi ceux qui s'opposent au placement syndical, on compte l'Association de la construction du Québec, l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, la Corporation des entrepreneurs généraux et la Fédération québécoise des associations d'entrepreneurs spécialisés en construction.

La FTQ a proposé un compromis. Les syndicats devraient obtenir un permis pour pouvoir placer leurs travailleurs. «S'il y en a qui exagèrent et qui violent la loi, on leur enlèvera leur permis. Encadrons ça dans un contexte législatif et permettons aux gens de se plaindre», a plaidé M. Arsenault.

La ministre du Travail refuse. À son cabinet, on explique que les propositions de la FTQ «vont contre le principe même de l'esprit du projet de loi».

Le mois dernier, la ministre annonçait qu'elle voulait adopter «intégralement» son projet de loi. La FTQ déplore que la ministre avait déjà pris sa décision avant même d'entendre ses arguments.

Échanges musclés en commission

Mme Thériault a profité du passage de M. Arsenault en commission parlementaire pour lui passer un savon devant les caméras. Elle lui a montré une photo d'un travailleur tabassé. «C'est assez rare qu'on voit un ministre prendre parti comme ça dans une commission parlementaire», a dit M. Arsenault.

Il dénonce la violence syndicale tout en affirmant qu'elle n'est pas si répandue. «Je me laisserai pas accuser de tous les péchés de la Terre», a-t-il plus tard ajouté.

«Vous êtes dans le déni total», lui a répliqué la ministre. La FTQ rétorque que la CCQ a reçu une trentaine de plaintes l'année dernière, contre 1407 pour le Barreau et près de 2000 pour les policiers. Le syndicat se dit également victime d'un traitement médiatique biaisé.

200 millions en jeu

M. Arsenault rappelle que c'est un entrepreneur, et non un syndiqué, qui a battu une travailleuse à coups de botte à cap d'acier sur un chantier de la Côte-Nord. Ce cas avait été rapporté par les médias mardi dernier. En fait, cette femme se plaignait que son mari avait été poussé à la faillite à cause, entre autres, des iniquités du placement syndical.

Outre le placement syndical, la FTQ dénonce que la CCQ gèrera le fonds de formation, de près de 200 millions.

«Ça nous rappelle des histoires comme ce qui est arrivé à la SAAQ ou à l'assurance-chômage, où on s'est sauvé avec la caisse. On ne peut pas laisser passer ça.»